La liberté d’opinion et d’expression peut se définir comme étant l’un des droits de l’homme les plus controversés. Mais c’est surtout l’un des critères qui distinguent un pays démocratique d’une dictature.
«Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. » C’est l’article 19 de la Déclaration universelle des Droits de l’homme qui dispose ainsi.
De son côté, l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques explicite la notion en spécifiant plusieurs points.
« 1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. 2. Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. 3. L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires : a. Au respect des droits ou de la réputation d’autrui; b. À la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. »
La liberté d’opinion et d’expression est l’un des Droits de l’homme les plus controversés à travers le monde et la qualité de son respect et de son exercice constitue l’un des critères qui différencient un pays démocratique d’une dictature. Le classement Freedom in The World que Freedom House sort chaque année, en est la preuve.
Pour rappel, l’exercice consiste à mesurer– sur une échelle de 1 à 7 (1 signifiant le plus libre et 7 le moins libre) le niveau de démocratie à travers trois indicateurs : la liberté, les droits politiques et les libertés civiles. En 2015, Madagascar a réalisé un score de 4 pour chacun de ces indicateurs, se classant dans les pays dits « partiellement libres ». Ceci signifie que la qualité de la démocratie laisse encore à désirer car des violations des droits fondamentaux – y compris les droits civils et politiques- subsistent.
Beaucoup croient à tort que la liberté d’opinion et d’expression est l’apanage des seuls journalistes dont le métier et de rechercher, de transmettre et d’analyser l’information, oubliant que chaque citoyen a le droit, et même le devoir, de l’exercer. Dans des pays comme Madagascar, où la culture démocratique est encore hypothétique, les autorités répriment allègrement toute tentative de manifestation ou de revendication citoyenne en prétextant la sauvegarde de l’ordre public. Les citoyens se laissent faire, quelquefois par ignorance, mais souvent par peur d’éventuelles représailles, si bien que même devant des tragédies ou des injustices flagrantes qui créeraient ailleurs un tollé général, les Malgaches semblent impassibles, voire indifférents. Il leur semble impossible d’influer sur le cours de la vie nationale, alors qu’ils en ont le pouvoir, en commençant simplement par manifester leur opinion.
A certains points de l’histoire du pays, des manifestations ont, certes, généré des « révolutions », mais elles se sont toujours faites dans la violence, parce que les citoyens avaient atteint le point de rupture en matière sociale. Les politiciens n’ont eu qu’à surfer sur la vague de mécontentement général pour imposer leur idéologie et leurs pratiques. Anesthésiés par la pauvreté et par les difficultés du quotidien, les citoyens ont été bernés par les beaux discours et les promesses qui n’ont fait qu’enfoncer un peu plus le pays dans le puits sans fond de la précarité.
Il existe pourtant une pléiade de moyens de résister pacifiquement, d’exprimer ses rancœurs et ses doléances sans heurts et sans dégâts, de façon non-violente. Les citoyens malgaches devraient s’en inspirer pour amorcer un changement palpable dans la société. Gene Sharp en a listé 198 dans son célèbre ouvrage Source The Politics of Nonviolent Action (Boston: Porter Sargent, 1973), dont voici un aperçu:
Déclarations formelles Art public symbolique
1. Discours publics 18. Drapeaux et couleurs symboliques
2. Lettres d’opposition ou de support 19. Port de symboles militants
3. Declarations d’organisatiaons/institutions 20. Prières et exhortations
4. Déclarations publiques signées 21. Livraison d’objets symboliques
aux cibles
5. Declarations d’accusation et d’intention 22. Dénudations dans le cadre de
prestation
6. Pétitions de groupe ou de masse 23. Destruction de sa propre propriété
Communication avec une large audience 24. Lumières symboliques
7. Slogans, caricatures et symboles 25. Exposition de portraits
8. Banderoles, posters, et autres visuels 26. Peinture engagée
9. Dépliants, pamphlets, livres 27. Sobriquets
10. Journaux e revues 28. Sons symboliques
11. Enregistrements, radio, et télévision 29. Déclamations symboliques
12. Messages dans le ciel ou sur le sol 30. Gestes impolis
Représentations de groupes Pressions sur des individus
13. Députations 31. Harcèlement d’autorités
14. Faux prix (ex : prix du plus mauvais politicien) 32. Railler les autorités
15. Lobbying de groupe 33. Fraternisation
16. Piquets de grève 34. Faux vigiles
17. Parodie d’élections

À Madagascar, plus exactement à Antananarivo, les manifs non violentes si elles ne rallient pas les foules, commencent à interpeller les autorités. Ici, la Marche blanche contre les « taxibe-corbillards » menée le jeudi 6 mai.
L’action non violente est une technique par laquelle les citoyens, qui rejettent la passivité et la soumission et qui considèrent la lutte pour leurs droits comme essentielle, peuvent mener leur combat sans violence. L’action non violente n’est pas une tentative d’éviter ou d’ignorer les conflits. C’est une façon de manier efficacement le pouvoir du grand nombre.
Parmi les figures les plus connues de la résistance non violente figurent Gandhi, Henry David Thoreau, Gene Sharp, Léon Tolstoï, Alice Paul, Martin Luther King, Jr, James Bevel, Václav Havel, Andrei Sakharov, et Lech Walesa. Les mouvements contemporains comme les Femen et Occupy font également partie des noms les plus connus. À Madagascar, les mouvements de résistance non violente comme Wake Up Madagascar et Sahia Mijoro sont encore peu nombreux et ne rallient pas les foules, faute de culture citoyenne et démocratique. Toutefois, les citoyens commencent à comprendre qu’ils doivent prendre leurs responsabilités si l’État ne le fait pas. Face au marasme généralisé qui sévit dans le pays, les langues commencent à se délier et les esprits à s’échauffer.
Il faut réclamer, dénoncer, s’insurger, s’indigner. C’est un droit, un devoir, mais il faut le faire intelligemment, en évitant toute violence, car la violence est l’arme des faibles.
Dossier réalisé en collaboration avec Liberty 32