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Bemiray –« Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière »

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L’abbé Pierre est la guest-star de la chronique de Tom Andriamanoro, cette semaine. Défenseur des faibles et des pauvres, n’a-t-il pas dit : « La beauté d’une ville n’est pas dans ses jardins, dans ses théâtres, dans ses musées, ni même dans ses cathédrales. Elle est de ne pas avoir de taudis. Elle est de ne pas avoir de désespérés. »

Destinées – Une foi, un béret, et l’abbé Pierre

Insurgez-vous ! Le titre du dernier livre du père Pedro a fait du bruit, avant même qu’il ne soit lu. Certains se sont cru visés, d’autres ont vu, dans ce cri, de l’eau apportée à leur moulin. C’est oublier que le père Pedro s’est toujours dressé contre l’extrême pauvreté, la langue de bois,
l’inertie, les injustices, et que son livre « Combattant de l’espérance » paru en 2005 portait déjà comme sous-titre « Autobiographie d’un insurgé ». Je n’ai aucun bord politique, disait-il dimanche, au micro de Geneviève Delerue de RFI. « Je suis avec le peuple malgache qui a fait de moi son ami depuis quarante sept ans. »
Un de ses plus célèbres aînés dans cette lutte était, lui aussi, un insurgé, célèbre pour ses légendaires colères. C’est le 1er février 1954 que l’abbé Pierre lança à la radio nationale française, puis sur Radio Luxembourg ce qu’il appela son… insurrection de la bonté : « Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol,
serrant sur elle le papier par lequel on l’avait
expulsée… Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière, dans la nuit, à la porte de lieux où il y a couvertures, paille, soupe, et qu’on y lise sous le titre « Centre fraternel de
dépannage » ces simples mots : « Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t’aime ! »
Curieuse destinée que celle de cet homme qui a vécu dans sa sensibilité à fleur de peau tous les soubresauts du XXe siècle et qui, pendant des décennies, s’est toujours classé parmi les trois personnalités préférées des Français : avec notamment le commandant Cousteau et le vulcanologue Haroun Tazieff, et plus tard, avec le judoka David Douillet et Zinedine Zidane ! Le petit Henry Grouès, son vrai nom, est né en 1912 et voulait devenir marin, missionnaire, ou brigand. Tout, en somme, sauf une vie bourgeoise encoconnée dans quelque petite ville de province. À 15 ans, il écrit à Jésus dans le cahier qui ne le quittera pas toute sa vie : « C’est une vie terrible que je veux. Mais ainsi, j’aurai Jésus, j’aurai le ciel. Merci Jésus, j’accepte. Je veux désormais absolument, consciemment, souffrir. Votre enfant, Henry. » Et d’hésiter entre deux modèles à suivre, Saint François d’Assises et… Napoléon : « J’en rêve, je veux arriver à les égaler si Dieu me l’accorde ».
Un des traits de génie de l’abbé Pierre, c’est peut-être son art de se faire entendre par tous, du  dernier des chiffonniers au plus puissant des chefs d’État. Violents réquisitoires déstabilisateurs, discours de rebelle mêlant colère et compassion, indignation et provocation, formules qui font mouche… Un communicateur hors-pair, dirait-on aujourd’hui. En janvier 1953, il ose inviter le ministre de la Reconstruction, Maurice Lemaire, à l’enterrement d’un bébé mort de froid : « Ce serait bien si vous veniez parmi nous, on ne vous recevra  pas mal, croyez-moi. On aimerait tellement mieux vous aimer que lutter contre la tentation de vous maudire. » Et miracle, le ministre est venu. Alors qu’il consolide les bases de sa communauté Emmaüs, le « Canard enchaîné » le tourne en dérision en l’affublant de tous les noms : Saint Jean Bâtisse, Saint Vincent des Piaules, abbé Pierre réfractaire, Robin des Toits, et on en passe…

Anonymat
Emmaüs a tout d’abord été une sorte d’auberge ouverte à tous les jeunes de l’après-guerre de passage en France. Un peu comme celle où les deux voyageurs invitèrent Jésus ressuscité qu’ils n’avaient pas encore reconnu. Tous ces jeunes, dont les pères s’étaient entretués, découvraient à quel point d’abomination l’homme a pu parvenir. Et puis un jour, vint Georges, un criminel et suicidaire chronique, de retour du bagne de Cayenne. Il fut le vrai premier « compagnon » que la communauté transforma : « Père, vous m’auriez donné n’importe quoi, du travail, du pain, une maison, de l’argent, j’aurais toujours recommencé à vouloir me tuer. Parce que ce qui me manquait, ce n’était pas de quoi vivre, mais des raisons de vivre. » Respecter l’homme malheureux. Lui inspirer confiance et la mériter. Respecter son secret, sa pudeur, car son passé n’appartient qu’à lui. Lui restituer sa dignité. Pour l’abbé Pierre, l’action passe avant l’idéalisme : « L’homme a une âme. Mais avant de lui en parler, qu’on mette une chemise et un toit au-dessus de cette âme. Après seulement, on lui expliquera ce qu’il y a dedans. »
Ainsi vécut cet homme exceptionnel qui disait que « ce qui caractérise la vie de gens comme sœur Emmanuelle, le père Pedro, moi ou d’autres, c’est qu’elle est pleine d’imprévus, à l’image de la vie de Saint François d’Assises. Ce sont des vies qui ont été des consentements plutôt que des choix ». Sa dernière volonté a été qu’aucune plaque, aucun nom ne figure sur sa tombe. La frêle silhouette, avec son béret noir, a rejoint dans leur anonymat tous les pauvres qui l’ont précédé. Pour l’éternité.

Rolland Vilella reçoit, le 13 juin, le premier Prix du Réel, avec son livre, « La sentinelle  de fer », autrement dit l’ancien bagne de Nosy Lava.

Rolland Vilella reçoit, le 13 juin, le premier Prix du Réel, avec son livre, « La sentinelle
de fer », autrement dit l’ancien bagne de Nosy Lava.

Littérature – Un ancien bagne à l’honneur

Les nouvelles venant d’Europe ne sont pas toujours rassurantes cet été, de la perfide Albion à la Lusitanie en passant par Lutèce. Il n’y a heureusement pas qu’elles, puisque de bons échos nous parviennent des cercles littéraires, avec la naissance d’un nouveau Prix. Fruit d’une étroite collaboration entre le journal Sud-Ouest et la librairie Mollat, le « Prix du Réel » – c’est son nom- se destine à récompenser une littérature d’un genre novateur, et tout naturellement, de nouveaux auteurs.
La soirée de remise, le 13 juin à Paris, était dans la tradition des Grands Prix littéraires, avec notamment un jury prestigieux composé de grands noms, dont ceux de Florence Aubenas et de Jean-Paul Kauffmann, lui-même Grand Prix 2002 de la littérature Paul Morand remis par l’Académie française. Une joie que nous faisons nôtre, ce tout premier Prix du Réel a été décerné à une proche connaissance, le navigateur solitaire et écrivain Roland Vilella que nous avons accueilli au début de l’année dans les colonnes de « Bemiray ».
Sur son livre La sentinelle de fer, nous écrivions alors : « Ce livre se lit comme un roman, mais n’en est pas un. On pourrait parler d’un recueil de témoignages nés de la rencontre entre un marin-voyageur comme Roland Vilella aime se définir, et l’île de Nosy Lava. Et quand un navigateur accoste sur l’île à la nuit tombée, ce qui est souvent le cas à cause du vent, il retrouve cette carcasse rouillée du phare qui surplombe le bagne. Redoutable, fantasmagorique, une véritable sentinelle de fer… »

BE3
Et si cette sentinelle servait aussi symboliquement à maintenir une chape de silence sur les damnés qui se sont succédé, souvent pour y mourir, dans cet espace hors du temps, à la merci de gardiens dont certains étaient humains, et d’autres d’authentiques tortionnaires   Albert, le principal personnage du livre est décédé, et parmi les derniers codétenus, il y en a qui ont pu quitter l’île à la fermeture du bagne, alors que d’autres continuent à y errer, n’ayant plus aucun endroit où aller. Mais leur voix est aujourd’hui entendue, a posteriori mais entendue quand même, grâce à ce livre, à son auteur, et à cette récompense qui porte bien son nom de Prix du Réel. Peut-être dérangera-t-elle certaines bonnes consciences habituées à ce que la misère humaine ne soit pas visible, et qu’elle ait le bon goût de ne pas gâter leur confort. Désolé pour elles, La sentinelle de fer, paru chez Plon, est dans les rayons depuis un certain temps déjà.

L’ile-ville de Gunkanjima, un exemple de site pour « Tourisme catastrophe ».

L’ile-ville de Gunkanjima, un exemple de site pour « Tourisme catastrophe ».

Urbanisme et déco – Les villes, des tendances (parfois) malsaines 

Sans avoir à remonter jusqu’à la Grèce antique, faut-il reconnaître que les ruines ont une poétique qui attire et ensorcèle   Une photo a fait le tour des réseaux sociaux : celle d’un habitant d’Alep revenu dans son appartement totalement dévasté par les bombes. Fenêtres béantes, rideaux arrachés, des gravats partout, et le septuagénaire assis sur son lit, en train d’écouter une musique. C’est la vie qui continue …  Moins tragique, Motor City près de Detroit est devenu une sorte de Mecque des ruines postindustrielles où se précipitent photographes et amateurs du monde entier. Vaines protestations des habitants devant ce qu’ils qualifient de « ruin porno », rien n’y fait, les ruines contemporaines sont devenues des sites pittoresques qui se visitent. Sur l’île-ville de Gunkanjima au Japon, les touristes se fraient leur itinéraire entre des immeubles dégradés par les typhons. À Berlin, une agence de voyages programme des visites de bâtiments fantomatiques comme une ancienne clinique de SS. Même Tchernobyl n’est plus classé secret-défense depuis que l’Ukraine a compris le profit pouvant être tiré du « tourisme de catastrophe ».
Un nouveau fétichisme est né, celui de la rouille et des débris. Et quand on n’a pas de ruines authentiques sous la main, qu’à cela ne tienne, il suffit d’en créer à coup de peinture, de patine et d’autres trompe-l’œil rendant un délabrement plus vrai que nature. Le Shore Theatre de Brooklyn est, par exemple, un véritable chef d’œuvre en matière de vraies fausses ruines. Selon Olivier Darmon dans son livre « Habiter les ruines », la réhabilitation consiste à ne rien restaurer, mais à contrôler la décrépitude et préserver les blessures du temps. La nouvelle vraie classe serait donc d’habiter dans des ruines design… Heureusement que, quelque part ailleurs, on est encore relativement sain d’esprit !

L’abbé Pierre, même éreinté par l’âge, continue à « s’insurger » contre les expulsions iniques.

L’abbé Pierre, même éreinté par l’âge, continue à « s’insurger » contre les expulsions iniques.

À Antananarivo, par exemple. Route d’A… sur la droite, un grand portail gardé par deux vigiles, rien que de très banal. Vous entrez, invité par un résident, bien sûr, pensant trouver tout au plus deux ou trois villas sécurisées. Et surprise, vous vous sentez tout d’un coup bien petit devant ce qu’il faut bien appeler un complexe résidentiel haut de gamme, qui ne déparerait pas quelque part dans les émirats. Le luxe, le silence, les arbres, la piscine couverte à débordement, les appartements comme on n’en voit que dans les films américains. Une indiscrétion m’apprendra qu’ici habitait un certain directeur général canadien qu’on avait pris pour le messie, et dont le bon goût volait décidément très haut et très cher. Des paradis cachés comme celui-là, il doit y en avoir un certain nombre dans la capitale, insoupçonnés des Malgaches qui n’y mettront jamais les pieds sauf en tant que personnel domestique. D’autres endroits de classe, qui illuminent les grands encarts publicitaires, sont plus visibles. Le passant les longe sans un regard – à quoi bon  -, contrairement au passager des taxis-be  dont l’attention s’y attarde quelquefois, question de passer le temps des embouteillages.
On est ici bien loin des ruines « bourgeois-bohêmes », vraies ou fausses, mais pas des quartiers miséreux de la capitale. Un mot me revient à l’esprit, celui de « déguerpissement », utilisé dans toute l’Afrique pour désigner les expropriations musclées effectuées pour laisser la place nette à ces complexes. L’abbé Pierre, décidément notre guest-star du jour, s’en est pris une fois au ministre, en ne pouvant plus s’empêcher de le tutoyer : « Envoie la troupe. On verra bien ce que cela donnera. Tu as supprimé une zone, mais pas la misère. La loi naturelle passe avant la loi écrite. Il faut respecter la vie plus que la loi. » Antananarivo est-elle plus belle  avec ces oasis de prospérité et d’opulence   Pour qu’ils ne soient pas senties comme une insulte, ne pourrait-on pas conditionner leur construction par l’obligation de prendre en charge l’assainissement et la construction de logements sociaux dans un périmètre donné des bidonvilles de l’Ambany Tanàna   Ce qu’a fait le père Pedro à la place de l’État, d’autres ne pourraient-ils pas eux aussi le supporter, financièrement parlant   La vérité, une fois de plus, est signée par l’abbé, encore lui : « La beauté d’une ville n’est pas dans ses jardins, dans ses théâtres, dans ses musées, ni même dans ses cathédrales. Elle est de ne pas avoir de taudis. Elle est de ne pas avoir de désespérés ». À méditer.

Rétro pêle-mêle

L’histoire des stations FM et télévisions privées malgaches, dont le nombre ne se compte plus, est passée par des épisodes houleuses, parfois vécues dans la plus totale illégalité selon l’atmosphère politique du moment. Radio Feon’ny Vahoaka, l’indiscutable précurseur, émet pendant les mouvements populaires de 1991 à partir d’une simple chambre d’un grand immeuble de Soarano. C’est le militantisme enthousiaste à l’état pur, mais avec le soutien clandestin de quelques journalistes de la Radio Nationale. Les années passent, et le « trio infernal » de la Radio Tsioka Vao est le principal artisan du retour aux affaires en 1996 d’un président évincé. Ce qui, par la suite, n’empêchera pas un membre du trio de se ranger du côté du pire ennemi de ce dernier sur la Radio Antsiva, pendant les évènements postélectoraux de 2002. Basé à Toamasina, une Super TV numérique fait cette même année des essais lui permettant d’être captée dans les provinces grâce à des récepteurs installés par F+, une télé privée de Fianarantsoa proche de l’ancien gouverneur de cette province. Elle bénéficie de l’appui des techniciens de la télévision nationale émettant du Palais d’Iavoloha, ainsi que de ceux de TV plus.
La Madagascar Broadcasting System verse elle aussi dans l’illégalité en émettant sur ondes courtes, ce qui lui permet d’être capté jusqu’aux fins fonds de l’Androy. Oubliant les principes dont il est censé avoir été le gardien, un ancien ministre de l’Information lance à Toamasina ses propres chaînes TOP radio et TOP TV, également présentes à Antsiranana et Fianarantsoa, tandis qu’à Ambositra l’identité du véritable propriétaire de la station RT n’échappe à personne. La liste est encore longue, pour ne citer que Feon’ny Merina, une appellation provocatrice pour ne pas dire plus, et les radios émettant du quartier de Faravohitra. Mais cette période bouillonnante peut,malgré tout, être qualifiée d’héroïque pour l’audiovisuel privé malgache. On n’oubliera pas non plus qu’un redoutable concurrent sans frontière va se superposer à ces initiatives : il s’appelle Internet, tout simplement.

Lettres sans frontières – Le pianiste du centre commercial

Récit anonyme

Je me promène, distrait, dans un centre commercial, accompagné d’une amie violoniste. Brusquement elle me prend par le bras : « Écoute ! » J’écoute, j’entends des voix d’adultes, des cris d’enfants, des sons de téléviseurs allumés dans des magasins d’électroménager, des talons frappant contre le carrelage, et cette musique de fond, omniprésente dans tous les centres commerciaux du monde.
« Alors, n’est-ce pas merveilleux   » Je réponds que je n’ai rien entendu de merveilleux, ni d’inhabituel. « Le piano ! dit-elle, me regardant d’un air déçu. Le pianiste est merveilleux ! » Si l’on écoute plus attentivement, il est évident que c’est de la musique en direct. Le pianiste joue en ce moment une sonate de Chopin, et maintenant que je parviens à me concentrer, les notes semblent recouvrir tout le bruit qui nous entoure. Nous marchons dans les couloirs pleins de visiteurs, et arrivons dans le coin réservé à la restauration : des gens qui mangent, conversent, discutent, lisent des journaux, et l’une de ces attractions que tout centre commercial s’efforce d’offrir à ses clients : cette fois, un piano et un pianiste.
Il doit avoir une trentaine d’années. Il a dû chercher du travail, les portes étaient fermées, il a perdu espoir, s’est résigné, et maintenant il est là. Mais je ne suis pas certain qu’il soit vraiment là. Ses yeux fixent le monde magique où ses morceaux ont été composés. De ses mains, il partage avec tous son amour, son âme, le meilleur de lui-même. La seule chose qu’il semble n’avoir pas comprise : personne, absolument personne n’est venu là pour l’écouter. Ils sont venus acheter, manger, s’amuser, regarder les vitrines, rencontrer des amis. Un couple s’arrête à côté de nous, causant à voix haute, et s’éloigne aussitôt. Le pianiste n’a rien vu, il joue comme s’il se trouvait à la Scala de Milan, ou à l’Opéra de Paris. Il joue parce que c’est son destin, sa joie, sa raison de vivre.
Je suis saisi d’une sensation de respect pour cet homme qui, à ce moment, me rappelle une leçon très importante : vous avez une légende personnelle à accomplir, point final. Peu importe si les autres soutiennent, critiquent, ignorent. Le pianiste, pour la première fois remarque notre présence. Il nous salue d’un signe de tête poli et discret, nous de même. Mais très vite il retourne à son paradis, et il vaut mieux le laisser là, plus rien ne le touchant dans ce monde, même pas nos timides applaudissements.
Quand nous croyons que personne ne prête attention à ce que nous faisons, pensons à ce pianiste : il conversait avec Dieu à travers son travail, et le reste n’avait pas la moindre  importance.

Textes : Tom Andriamanoro
Photos : Tom Andriamanoro  – AFP 


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