Dans sa livraison de cette semaine, Tom Andriamanoro aborde la face cachée d’un royaume légendaire ou utopique. Mais qui sait, parmi ses lecteurs, nombreux trouveront, sans doute, quelques similitudes avec un monde réel.
Homme et pouvoir – Mon royaume est de ce monde…
On est à 150 km à peine d’une mythique ville blanche, dans une région réputée pour ses mines de phosphate. Ici, chaque village est annoncé par une concentration de taudis, tandis que, sur les routes secondaires, les ânes conduits par des enfants en guenilles ont perdu tout instinct rétif. Dans d’énormes bidons, ils transportent au pas la plus précieuse denrée qui soit : l’eau.
Au pas, ce pays d’un peu plus de 30 millions d’habitants l’est aussi. Cinq ans après quelques velléités de « printemps », la contestation s’est essoufflée et a presque rendu l’âme. À quoi bon Comme l’avoue une ancienne militante ramenée aux réalités, « pour moi tout ça c’est fini. Je ne demande plus rien, sauf du travail. Je n’ai plus rien d’autre à faire, sauf me taire ». Beaucoup d’anciens meneurs ont été récupérés de la façon la plus infaillible qui soit : l’argent ou les postes importants, souvent les deux. Mais tous n’ont pas eu cette chance, et
certains y réfléchiront à deux fois avant de rejouer aux héros: entre 2010 et 2014, Amnesty International a fait état de 173 cas de torture dans les locaux des services chargés de la surveillance du territoire. Le pays a bien son Association de défense des Droits de l’homme. Seulement, quand elle demande une salle pour la moindre réunion publique, un coup de fil « d’en haut » conseille au propriétaire de ne pas l’accorder. Elle a quand même pu recenser 251 arrestations arbitraires pour la seule année 2015.
La fortune du Maître absolu de ce « royaume de ce monde » est estimée par Forbes à six milliards de dollars pour cette même année 2015. Il est l’acteur économique le plus puissant du pays à travers une Société d’investissement détenue majoritairement par son cercle familial le plus proche, présente dans tous les secteurs : banques, assurances, immobilier, grande distribution,
tourisme, une liste qui est tout sauf exhaustive. C’est un fait et on l’accepte, pas question d’en débattre, puisque la personne du Maître absolu est intouchable. H… n’est pas à proprement parler un opposant, mais plutôt un intellectuel qui a su garder son sel prêt à l’emploi et en use de temps à autre : « Chez nous, les forces de répression admettent à la limite que l’on touche au dieu du ciel, mais en aucun cas à celui sur terre ! »
Maitre absolu
Les pays occidentaux qui, comme à leur habitude se préoccupent, au nom de la géopolitique, de stabilité et de rien d’autre, ont le dithyrambe facile pour vanter les avancées démocratiques de ce « royaume de ce monde ». Il est vrai que le Maître absolu est aussi un maître en opérations de communication, qui adore se peindre en homme simple se souciant de son peuple. Il a, pour ce faire, mis au point un programme consacré exclusivement au développement humain (sic), et doté d’un budget en conséquence. Le programme se consacre aux microréalisations, pour paraître proche des préoccupations des petites gens : maisons de jeunes, dispensaires, coopératives féminines… Les retombées politico-publicitaires sont garanties, grâce à la presse la plus servile qui soit dans la sous-région.
Les titres les plus crédibles ont fini par mettre la clé sous la porte, ou ont été eux aussi mis au pas. À peine le paysage médiatique présente-t-il quelques « dunes », à l’image du désert tout proche où l’uniformité s’étend à perte de vue. Plus question de pratiquer un journalisme d’investigation ou d’émettre des opinions critiques, puisque toute la place disponible est prise par les lauriers tissés à la gloire du Maître absolu, de ses actions en faveur du développement, de sa générosité. Pour son confort personnel, il parle très peu, et refuse les interviewes. Le système le fait à sa place. Le dernier recours pour la presse reste les médias en ligne qui, malheureusement, n’échappent pas non plus au harcèlement et l’autocensure dont dépend la survie. Car la facture peut être salée : la prison dans certains cas pourtant bénins, les agressions sauvages en pleine rue à titre d’avertissement dans d’autres.
Ainsi va la vie au « royaume de ce monde » où il est déconseillé de penser autrement et d’oser le montrer. Les intellectuels l’ont compris, eux chez qui, pour reprendre la remarque désabusée d’un des leurs, « le manque de courage est devenu affligeant ». Ici douze millions de
personnes vivent avec moins de deux dollars par jour, mais le pays est riche de ses traditions hautes en couleurs et de ses magnifiques paysages. Il fait bon y vivre surtout quand on est des « vieux mariés », des retraités français à la recherche d’une résidence secondaire de rêve pour leur dernière ligne droite…

Un style Grand siècle à la Maison-Blanche avec la First Lady.
Outre-Atlantique – Bill casse, Melania passe
Alors que rien n’était encore joué, Bill Clinton avait fait comprendre que le titre de « First Gentleman » ne lui convenait pas du tout, si jamais… Il préférerait de loin celui de « First Dude », à son avis plus convivial, plus proche des gens. À chacun ses faiblesses et il n’était pas l’exception, mais c’est justement cette humanité qui a fait de lui le Président le plus sympathique de l’histoire américaine. On se souvient encore de cette soirée où, déjà intronisé, il joua un standard de jazz sur son saxo, ce qui a fait dire qu’il était aussi le premier Président noir des États-Unis ! Dans sa dernière bataille, celle de 2016, il comptait sûrement encore sur cet atout pour compenser le manque manifeste de chaleur d’Hillary. Et à ceux qui, malgré son âge et ses cheveux blancs, auraient vu en lui un « sexy dude », il aurait répondu avec le sourire de celui pour qui la vie ne se joue pas à rebours. Il n’empêche qu’avec les Clinton qui connaissent la Maison-Blanche sur le bout des doigts avec ses codes, ses règles, la Présidence aurait été des plus conventionnelles, avec en sus une touche d’austérité. Cela ne sera pas le cas avec les Trump où un ancien top-model affûte son charme slave avec ses mensurations hors du commun : 97-66-94 pour 1,80m, excusez du peu…
Dans quel état d’esprit les Américains attendent-ils le 24 janvier pour enfin véritablement découvrir leur nouvelle First Lady On se souvient que, dans une situation d’attente pas tout à fait identique, les Français parlaient d’une « Carla Bru…nue », se référant à une photo plutôt
dévêtue, sinon plus, de la remplaçante de Cécilia publiée par un magazine espagnol. Pendant ce temps, Sarkozy poursuivait imperturbablement ses devoirs d’État en Inde, et confirmait son goût des belles choses en visitant le Taj Mahal…
Melania, spécialisée dans les photos en maillot, aura-t-elle pour autant l’Amérique à ses pieds

First Dude aurait été beaucoup plus utile au pays.
Rien n’est moins sûr, car tous les Américains ne sont pas Donald Trump, dont on connaît les penchants pour la « chose ». Desservie plus qu’autre chose par son regard bleu acier et son accent que beaucoup qualifient d’érotique, la nouvelle First Lady a un besoin urgent d’adoucir son image. Plus héroïne de téléréalité que Mum in chief, elle n’a ni l’intelligence supérieure de Michelle Obama, ni le goût simple pour la cuisine de Barbara Bush. Certains chroniqueurs prédisent déjà un style « Grand siècle » à la Maison-Blanche, avec des réceptions flamboyantes à la chaîne. D’autres avouent qu’on a décidément perdu sur tous les tableaux, et que « First Dude » aurait été beaucoup plus utile au pays.
Religion – Mahomet, ce mal connu
« Sallâ ilâhu ‘alayhitwa sallam », que les prières et les louanges de Dieu soient sur Lui… Les plus anciens documents épigraphiques retrouvés au Nord-Ouest de la Mer Morte datent du début du VIIIe siècle, et mentionnent deux fois le Prophète sans utiliser cette formule rituelle de bénédiction. Et si l’Islam tel que nous le connaissons aujourd’hui a été inventé bien après la mort de Mahomet Et si ce décalage comportait la clé du déchaînement passionnel suscité chez les radicaux par la moindre atteinte à son image ?
Mahomet serait mort en l’an II de l’Hégire, c’est-à-dire au mois de juin 632, une date qui prête à controverse. Il eut une fin de vie loin d’être sereine puisque malmené par son entourage, et laissé sans sépulture pendant trois longs jours. Le temps peut-être de voir s’il allait ressusciter, mais aussi pour les mouhajiroun émigrés de La Mecque, et les ansar de Médine, de s’entendre pour nommer un calife. Bien avant, il portait déjà en lui le pressentiment de l’imminence de sa fin, balloté entre les conjurations et les complots, malade, très marqué par la mort de son fils Ibrahim. C’est dans ce contexte difficile à porter, tout homme de Dieu qu’il était, qu’il effectua un pèlerinage d’adieu à La Mecque, et y délivra son testament spirituel. Certains historiens ne sont pas loin de penser que cette fin indigne du grand homme qu’il était, généra un sentiment de culpabilité dans l’inconscient collectif des croyants. Pour y échapper, ils déshumanisèrent son personnage, pour en faire en quelque sorte une abstraction quasi intouchable, objet d’une adoration pouvant donner libre cours à certains excès difficilement cernables par la froide logique occidentale.

Chaque année, La Mecque accueille des millions de croyants.
Succession compliquée
Comment s’effectua la succession du Prophète dans un environnement trouble fait de rivalités et de convoitises Elle se fit, tout d’abord, au bénéfice de son beau-père Abu Bakr qui ne se gêna point pour déshériter Fatima sa propre fille, afin de s’accaparer tous ses biens. Le second calife, dans l’ordre chronologique, fut Omar décrit comme une brute misogyne qui maria une de ses filles au Prophète, également par intérêt. Ce fut ensuite le tour d’Othman, doublement gendre puisqu’il épousa successivement deux filles de Mahomet à savoir Ruqaya et Omm Koulthoum. Vint enfin Ali, vénéré par les chiites malgré sa réputation de grand dormeur qui demanda à être exempté de la prière du soir… La discorde qui, aujourd’hui encore divise, parfois à coups de kalach et de ceintures d’explosifs, ces chiites et leurs frères ennemis sunnites, trouve son origine dans le fait qu’en partant, le Prophète n’a guère laissé de directives claires sur cette question de succession. Il était, en fait, moins préoccupé par le matériel, pour ne pas dire les manœuvres politiciennes de son entourage, que par la dimension spirituelle de sa mission : ramener les croyants, égarés dans le polythéisme et l’idolâtrie, à la foi monothéiste, selon le message divin qui lui a été confié. Il aurait aussi pu dire que « son royaume n’est pas de ce monde », contrairement aux commandeurs et autres tenants de l’institution califale.
De quoi est mort le Prophète On parle d’empoisonnement, mais aussi de pleurésie. La même incertitude entoure la date et le lieu puisque, balayant en quelque sorte la date de 632 et la ville de Médine acceptées par la tradition musulmane, des documents découverts récemment attestent sa présence en 634 à Gaza en Palestine. Il y aurait été à la tête d’une armée de
« Sarracènes » et aurait prophétisé la venue imminente d’un messie dans un lieu bien circonscrit : Jérusalem. C’est là que devaient avoir lieu le jugement et la résurrection des morts, ce qui la dota d’une dimension eschatologique fondamentale. Les premières prières des musulmans étaient dirigées vers cette ville avant d’être réorientées définitivement vers La Mecque. Par qui Probablement par les califes omeyyades pour qui l’enseignement originel de Mahomet était encore un proto-Islam prophétique, une doctrine de la fin des temps. Bien après la disparition du Prophète donc, ils auraient façonné définitivement une religion universelle, telle que nous la connaissons aujourd’hui. Mahomet, prophète des Arabes, devint celui des musulmans. Son culte put se développer officiellement car tous ses descendants directs, susceptibles de revendiquer sa succession, avaient été éliminés.
Rétro pêle-mêle
Quarante ans, et vive le Roi ! Tout ce que l’Afrique australe compte de disciples inavoués de Bokassa and Co se retrouve en ce jour de septembre 2008, autour du roi Mswati III de Swaziland, pour les quarante ans d’indépendance du pays. Un monarque emplumé dont l’image qu’on se passe au-delà des mers est celle d’un dictateur choisissant son énième épouse parmi une flopée de vierges défilant les seins nus. Pendant que se prépare la fête, des scènes de pillage éclatent dans la capitale, durant lesquelles le petit peuple fait main basse non pas sur du matériel électronique, mais sur du maïs, des pommes de terre, des avocats. Comme l’a dit ce responsable syndical, « il n’y a rien à célébrer au Swaziland, les gens vivent dans une pauvreté abjecte ». Et le chef de l’opposition de renchérir à l’intention des invités : « Pendant que vous dégusterez le somptueux repas qui vous sera servi, sachez que vous mangez et buvez le sang d’un peuple qui, lui, n’a rien. » À méditer dans toutes les langues, qu’on soit swazi ou francophone.
Un des plus célèbres détournements d’avion de l’histoire est celui tramé, il y a quarante ans de cela, par le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) épaulé par des éléments de la
« bande à Baader » allemande. Un A300 d’Air France parti de Tel Aviv est dérouté sur Benghazi en Libye, avant de continuer sur Entebbe en Ouganda. Tel Aviv fait mine de négocier, le temps de préparer un assaut facilité par le fait que, l’aéroport ayant été construit par une entreprise israélienne, ils en possèdent le plan détaillé. Dans la nuit du 3 juillet 1976, les militaires israéliens investissent les lieux, l’affrontement par trop inégal ne durant guère plus d’une heure. Outre les quatre preneurs d’otages, il fait 40 morts du côté ougandais, trois chez les passagers, et un dans les rangs du commando israélien. Le dictateur Idi Amin Dada se fait une raison : « Ces gens-là sont les enfants de Dieu, il est inutile de se battre contre eux ».
Textes : Tom Andriamanoro
Photos : AFP – Internet