Pays déchiré par la Deuxième guerre mondiale, Singapour est devenue une grande puissance économique malgré sa petite superficie. Les gouvernements qui se succèdent ont réussi à relever le défi grâce aux « concept plan et master plan ».
Comprendre l’essor économique de Singapour nécessite un voyage dans le temps. The Air Corridor by Air Mauritius et Changi Airport, lancé le 15 mars dernier, offre cette opportunité aux touristes, businessmen ainsi que dirigeants et décideurs souhaitant s’inspirer du modèle du Lion State.
Les gratte-ciel, la salubrité et la propreté, la fluidité de la circulation, le respect de la discipline et l’existence d’espaces verts sautent aux yeux du visiteur.
« Avant, on l’a appelé Cité du jardin Singapour. Aujourd’hui, il change de nom et devient Cité dans le jardin puisque le vert engloutit tout. Même les plantes s’entrelacent aux vérandas et aux bâtiments », précise Tan Chee Tiong, guide touristique. Les gouvernements de cette cité-État ont dû mobiliser leurs experts pour en arriver là.
Deux endroits, le National Museum et la City Gallery, recèlent l’histoire pré-coloniale, celles de l’avant-guerre et l’après-indépendance. La guerre a anéanti le pays et sa population a sombré dans l’extrême pauvreté. Les documents expliquent clairement qu’en 1959, Singapour avait atteint son autonomie. Mais à l’époque, l’île ne disposant d’aucune ressource naturelle et encore moins de marchés locaux, a fait face à une croissance démographique. Le gouvernement conduit par le Premier ministre, le Dr Goh Keng Swee, a commencé à industrialiser l’économie et à promouvoir les investissements étrangers. Entre 1960 et 1970, des usines et des zones industrielles ont été créées, lesquelles ont produit des marchandises destinées à l’exportation. Le gouvernement a également pris des mesures incitatives en faveur des investisseurs étrangers et des entreprises multinationales pour mettre en place des opérations de fabrication au sein du pays.
Réalité
En 1972, Singapour a atteint le plein emploi. Son économie avait débuté par la haute intensité de main-d’œuvre pour aboutir à la compétence et la qualification, notamment dans l’ingénierie de précision et l’électronique. Les ouvriers et les employés ont reçu des formations dispensées par des écoles et des instituts techniques ainsi que des centres de formation professionnelle afin d’améliorer leurs niveaux de connaissance et de technicité.
La cité-État, minuscule soit-elle (le tiers de la superficie de Maurice), doit sa réussite à son concept plan et son master plan. Le premier est un plan directeur lequel sera mis en œuvre par le plan détaillé.
« Il faut d’abord avoir une vision. Les dirigeants et les experts discutent de celle-ci pendant cinq ans et tout ce que vous voyez jusqu’à ce jour résume la vision de quinze ans. Prenons l’exemple de la politique du logement. Les dirigeants ont réalisé des logements sociaux permettant à la population de la couche moyenne d’en acquérir, la vente-location s’étalant sur une longue période », poursuit le guide local. Une maquette illustrant le pays présente déjà un futur projet d’extension qui prévoit la création d’un nouveau quartier. Tout ce qui se passe, ce qui bouge, et ce qui se construit impressionne.
L’existence du quartier des affaires abritant des banques constitue l’une des forces motrices de Singapour. Autrement, les visites guidées dans le Gardens of the Bay, les parcs d’attraction et villégiatures à Sentosa attirent davantage de touristes et de visiteurs de toutes les nationalités, générant ainsi des recettes. Sinon, l’undergound fait partie intégrante du style de vie des Singaporéens. Ils croient qu’ils contribueront mieux au développement en profondeur comme en surface puisque les métros, les voies piétonnières, les grands magasins s’ouvrent déjà au grand public.
Vocation maritime
Étant une île bien entourée, Singapour était une plaque tournante idéale pour le commerce et le flux maritime. L’ouverture d’un port britannique gratuit a déclenché une transformation radicale du pays durant la période coloniale : le nombre d’habitants s’est accru atteignant 10 000 en cinq ans. Des bateaux en provenance de l’archipel malais, d’Asie et d’Europe ont rempli les ports allant de Telok Ayer à l’Ouest à Kallang à l’Est. Ils ont transporté des marchandises telles que les habits et l’opium de l’Inde, le thé, la soie et la céramique de la Chine ainsi que les épices, les perles, les nids d’oiseaux et les écailles de tortues.
Les embarcations ont aussi ramené des ouvriers de la Chine et de l’Inde britannique. Ils ont travaillé dans les secteurs du nettoyage, de la manutention et de la construction de la ville. En 1830, les Chinois ont formé le plus grand groupe ethnique à Singapour, essentiellement les towkays, ou commerçants chinois, qui ont dominé le commerce pendant le XIXe siècle. Comme leurs homologues arabes, arméniens, européens et indiens, les towkays ont été impliqués dans le commerce régional, les propriétés, les plantations de poivre et de gambier.
Plus tard, qui dit boom démographique dit plus d’espace pour vivre et à occuper. Pour les acquérir, il fallait remblayer une partie de la mer. Ainsi depuis 1960, la superficie de Singapour a augmenté de 20%, une extension équivalente à 17 000 terrains de football. Seulement, étant un grand port, le pays devait conserver une certaine largeur à des fins maritimes, selon les obligations internationales. Plus de 600 bateaux jettent l’ancre aux larges du port en attendant leur accostage dans les quais.
Une global City
Depuis son indépendance, Singapour a adopté une vision globale plus économique car elle ne voulait plus appartenir à la Malaisie. En 1972, le ministre des Affaires étrangères, S. Rajartnam, a offert une vision audacieuse pour que l’économie survive et avance : Singapour se développerait dans une ville globale, intégrée dans le système économique international et intimement liée aux villes du monde. Afin d’y parvenir, la cité-État devait mobiliser toutes ses ressources et mettre à niveau les infrastructures, la mer, l’air, les finances sans oublier les relations multinationales. En plus de faciliter les flux de capitaux mondiaux, les dirigeants ont fait appel à l’innovation, l’imagination et la création leur permettant d’engendrer plus d’industries basées sur les nouvelles technologies. Ne serait-ce qu’un point sur une carte du monde, Singapour s’est vue attribuer un nouveau statut de carrefour et de centre d’échanges reliant tous les pays du monde.
Un démarrage en côte
En 1957, Singapour comptait 1 445 929 d’habitants avec un taux de chômage de 4,9%. La cité-État dénombre actuellement 5,5 millions d’habitants. En 1960, le produit intérieur brut (PIB) par habitant s’élevait à 1 252 dollars singaporéens. De 1957 à 1970, la proportion des hommes travaillant dans l’industrie avoisine les 86% tandis que celle des femmes atteint 31,82%.
De 1971 à 1979, le nombre de sortants des instituts a doublé, passant de 3 436 à 7 466. Les investissements étrangers affectés à la production sont passés de 157 à 3,380 milliards de dollars singaporéens. La part de PIB générée par l’industrie est passée de 20,5% en 1967 à 29,5% en 1980. De 1961 à 1980, le salaire mensuel moyen d’un travailleur a augmenté de 103,06%.
Farah Randrianasolo