Avant les Gottlieb, Francis Turbo, Dadavy et autre Gaby Ratsito, Big et Rajao, il y a eu Odeam Rakoto. C’était un illustre comédien doublé d’un talent raffiné d’humoriste. Par ailleurs, Tom Andriamanoro évoque quelques clichés marquants, « Le choc des photos » !
Art et société – Odeam Rakoto, un grand comique oublié
Le propos n’est point de faire injure à tous les talents actuels qui ont choisi le « faire rire » pour métier. Il est plutôt de regretter que dans un pays où, dit-on, une personne n’est jamais tout à fait morte tant que les vivants se souviennent, l’oubli semble en fait être la règle. Un fil conducteur à remonter le temps partirait pourtant des Gottlieb, Francis Turbo, Rajao et autres Fou Hehy pour conduire aux Dadavy (pas tout à fait retiré des affaires), Big Olivier Ratsimbazafy (cad-oubé comme « cadavré » et « oublié »), Gabhy Ratsito (cad-oubé), Mamy Nanahary (cad-oubé), Etienne Ramboatiana alias Bouboul (cad-oubé), et aboutir à Odeam Rakoto, notre Source du rire public avec un grand « S ». Lui aussi cad-oubé, sauf par ses propres enfants qui perpétuèrent et entretinrent la flamme pendant un certain temps.
«Iza ary aho raha fantatrao Odeam Rakoto nampiana vao». L’artiste avait cette façon singulière de se présenter, son vrai nom pour l’état civil étant Rakotovao. Mais comme tous ceux qui se sont faits eux-mêmes sans rien devoir aux autres, sa personne a fini par s’effacer derrière son personnage qui fut sa première création. Originaire du village d’Ambohidahara où la Reine Ranavalona III avait l’habitude de choisir ses artistes, notamment ses joueurs de flûte, cet autodidacte se nourrissait aussi bien des grands poètes malgaches que de Shakespeare ou Molière qui fut son modèle, l’amenant même à composer une adaptation malgache des Fourberies de Scapin. C’est dire qu’Odeam Rakoto n’était pas un simple amuseur public, mais un véritable homme de culture, une antithèse de cet autre grand autodidacte sombre et ténébreux qu’était Rabearivelo, puisque lui a, au contraire ,choisi le bon côté de la vie, cristallisé par le rire.
De son temps, le showbiz n’existait pas encore, ni dans la forme ni dans le fond. Les spectacles n’avaient pas cette finalité lucrative qu’on leur connaît aujourd’hui, et qui se traduit en millions d’ariary par baisser de rideau. Sur scène comme dans la vie quotidienne, l’artiste était une composante à part entière de la société à laquelle il apportait cette part de brique qu’était son talent. À travers les sketches d’Odeam Rakoto, c’est le Malgache lui-même qui se voyait comme dans un miroir déformant, et choisissait d’en rire aux éclats. L’artiste avait un langage bien à lui pour faire passer le message : un langage qui pouvait être vestimentaire, comme cette tenue mi-masculine (veste et pantalon) d’un côté, mi-féminine (chemisier et robe) de l’autre. Il lui suffisait de se tourner du côté qu’il voulait pour… habiller ses textes et en faire de vrais dialogues !
![Odeam Rakoto (3è g.) était présent à l’inauguration du Centre culturel Albert Camus (l’actuel IFM), en 1964.]()
Odeam Rakoto (3è g.) était présent à l’inauguration du Centre culturel
Albert Camus (l’actuel IFM), en 1964.
« Lalao e, lalao a … »
Odeam Rakoto était aussi un brillant auteur-compositeur-interprète qui a marqué son époque. Il chantait les choses de la vie comme les très craintes sorcières d’Ambohitrarahaba (Ny mpamosavin’ Ambohitrarahaba, nomeko ny daka ka dangy terý ), les ivrognes (Eee Rainilita, zà koa mahavita, fa ny voloko ngita), sans oublier Antananarivo (Haody r’Iarivo, haody r’Iarivo f’ indro fa tonga), mais deux de ses titres sont réellement restés à la postérité sans que beaucoup en connaissent l’auteur: un hymne à l’école avec « Rankizy malagasy » ( Mianara taratasy, vonjeo ny lakilasy) , et surtout son « Lalao e, lalao a », composé spécialement pour l’équipe malgache de rugby des années 50, en partance pour une tournée en France. Une équipe restée invaincue dans tous ses matches, au point que la consigne tomba, claire et sans équivoque, du côté français : le dernier match prévu à Paris doit être gagné coûte que coûte, et par tous les moyens. Ce ne fut alors plus du rugby, mais une véritable chasse aux Malgaches dont la moitié jouait pieds nus. Un des meilleurs éléments, le trois-quarts aile Mbahiny, reçut une terrible torpille en plein estomac, et rendit l’âme pendant son transfert à l’hôpital. De retour au pays, la chanson-fétiche résonna tristement durant la veillée funèbre. « Lalao e, lalao a … »
![En hommage à l’artiste éminent, la poste a émis une timbre à son effigie, en 1996.]()
En hommage à l’artiste éminent, la poste
a émis une timbre
à son effigie, en 1996.
À la mort d’Odeam Rakoto en 1973, ses enfants réalisèrent à la lettre sa dernière volonté : que l’on joue du tambour sur sa tombe ! Puis ils créèrent l’Odeam Circus qui, quatre ans après, devint les Landy Vola Fotsy. Une troupe théâtrale capable de donner 120 représentations par an dans tout Madagascar, et dont la pièce préférée s’intitulait « Anakao ». Cette œuvre, coécrite par leur père et le nationaliste Monja Jaona, racontait l’histoire dérangeante d’un administrateur des colonies qui avait fait un enfant à une fille du village. Une troupe ouverte sur le monde, programmant aussi bien « l’Opéra de quat’sous » de Brecht (devenu Opera Katisoa en malgache) que « Le Roi et l’Oiseau » de Prévert. Doly l’aîné m’a une fois joué le jeu de la vérité avec cette confidence: « Je vais à la pêche, je suis un grand fainéant, je lis, et n’aime pas avoir des urgences ». Il m’a surtout appris que chaque fois qu’il passe devant le tombeau familial à l’entrée du village, il n’oublie jamais de klaxonner. Un vrai fils de son père.
Photos : Archives personnelles de Norbert Razafindrakoto
![Madagascar recèle diverses pierres fines et pierres précieuses.]()
Madagascar recèle diverses pierres fines et pierres précieuses.
Ressources minières – Nous sommes riches, pauvre de nous !
Il n’y a pas d’autre mot, l’année qui s’achève a été aussi noire que charbon pour nos masses paysannes, spoliées par une politique minière particulièrement opaque et répressive. Raison de plus pour parler autrement des promesses de notre sous-sol, le temps que la période des cadeaux redonne la place au gris du quotidien.
Vous avez dit l’or Vert, jaune, rouge, il appartient au bijoutier de trouver la composition idoine à partir de l’or pur 24 carats pour en arriver à 18. Bague coquette et rieuse, ou collier serrant amoureusement un cou, l’or est un messager qui exprime les valeurs les plus nobles. Autrefois, les bijoutiers malgaches venaient surtout de Manandriana. C’est une filière où on est dans le métier de père en fils, ce qui permet à chacun de veiller sur ses arcanes. « L’art » des travailleurs de l‘or doit sa qualité à la convergence du savoir-faire local et des apports novateurs extérieurs, principalement indiens, avec leurs techniques toujours plus audacieuses. Cela a été le cas du filigrané, très complexe puisqu’on y tire l’or fil par fil. La corporation des bijoutiers est consciente de la nécessité de s’ouvrir au monde par le biais de la participation à des salons spécialisés comme celui de Bangkok ou de Beijing, qui sont une véritable leçon d’humilité.
Vous avez dit les pierres On en distingue généralement trois catégories : celle des pierres ornementales (certains utilisent le terme plutôt dévalorisant d’« industrielles ») comme le jaspe ou le labradorite ; les pierres fines (une appellation à préférer là aussi à « semi-précieuses »), parmi lesquelles l’améthyste, la citrine, ou l’aigue-marine ; les pierres précieuses enfin, qui signent les rêves les plus fous. Saphir, rubis, émeraude, ajoutons-y le diamant car s’il n’est pas dit qu’il y en a à Madagascar, il n’est pas dit non plus qu’il n’y en a pas.
Il y a une cinquantaine d’années, le principal souci du lapidaire était le poids. Ce critère a depuis cédé le pas à la couleur et à la brillance, une petite pierre scintillante étant autrement plus attractive qu’une autre plus grosse mais terne. Le cheminement est long depuis le morceau de brut qu’on aura analysé pour en connaître les propriétés physiques, jusqu’à l’obtention d’une taille qui mettra en valeur les qualités recherchées. Le but en fait est que la lumière « circule » dans la pierre. Selon qu’il s’agisse de la lumière du soleil, d’une lumière incandescente ou d’une fluorescente, on aura des nuances différentes. Un professionnel averti achètera, dit-on, ses pierres à la lumière naturelle, entre 10h et 15h de l’après-midi. Avis aux incultes qui n’ont que l’impatience de leur affairisme! L’ordinateur permet aujourd’hui de concevoir des schémas de coupe très précis et de faire des simulations de brillance. Car les conditions pour obtenir un beau produit fini se conjuguent selon cette immuable trilogie : un bon brut, un bon schéma de coupe, et un bon lapidaire. Il n’y en a point d’autre.
![La photo du cadavre du petit Aylan rejeté par les flots a ému le monde entier.]()
La photo du cadavre du petit Aylan rejeté par les flots a ému le monde entier.
Témoignages – Le devoir de mémoire par l’image
Où donc est-elle la magie de la photographie, sinon dans ce que Pierrot Men, à ses débuts, disait d’elle, à savoir le plus court chemin d’un homme à un autre, et un raccourci fabuleux permettant de saisir une réalité qui ne se renouvellera pas Il arrive aux nuages de dessiner dans le ciel des arabesques qui, malheureusement, finissent par se défaire. La photographie a cette faculté de figer le fugace dans le durable, n’osons pas parler d’éternité. Surtout quand elle l’enveloppe dans une charge émotionnelle appelée à le fixer mieux encore dans les mémoires qu’elle interpelle.
Les semaines sont devenues des mois, les mois des années, et trois photos continuent à faire vivre ce qui, à l’instant du clic, n’était qu’un fait divers. La première est celle du petit Aylan, mort en atteignant les rives européennes, rejeté par les flots sur la grève, le visage dans le sable. Dans cet interminable feuilleton des candidats à l’émigration au péril de leur vie, il y eut d’autres Aylan. Comme cette petite fille d’à peine un an, simple tache claire sur les cailloux. Les gardes-côtes n’ont pu faire mieux que de la mettre dans un sac à dos pour l’emmener à la morgue déjà pleine à craquer. Le chauffeur conduisait lentement, et eut cette explication à laquelle aucun de ses compagnons ne s’attendait : « Il y a trop de bosses sur la route. J’ai l’impression qu’elle va avoir mal, derrière ». Un photoreporter de guerre, pourtant habitué à voir des cadavres en Syrie comme en Libye, finit par éclater en pleurs : « Là c’est pas pareil, on est dans un pays en paix. C’est pas normal de voir des bébés morts sur une plage ». Selon l’Organisation internationale pour les migrations, 330 enfants sont morts sur les seules côtes grecques de novembre 2015 à mars 2016. Ces autres parents finirent par identifier le corps de leur fille unique. Numéro de protocole 197, corps n° 39. Ils l’ont enterré et ont continué leur route sans retour. Elle s’appelait Shahid Ahmad.
Bouillonnement
Deuxième photo qui ne jaunira pas, celle d’une jeune femme seule, complètement seule, devant un escadron de policiers ressemblant à des cosmonautes dans leur équipement et sur le point de l’arrêter. Les pieds bien plantés sur l’asphalte, étrangement calme, elle manifestait dans sa désarmante immobilité contre les violences faites aux citoyens noirs. C’était le 9 juillet 2016 à Baton Rouge, aux États-Unis. La police n’a pas osé faire usage de brutalité. La femme n’a d’ailleurs rien dit, et n’a pas résisté. Derrière cette scène qui n’a duré que quelques minutes, mais a fait le tour du monde, se cache le drame d’une société américaine à deux doigts de devenir folle et remettant à jour cette exclamation de l’historien Arthur Schlesinger : « Mais qui sommes-nous donc, nous, les Américains Aujourd’hui nous sommes les gens les plus effrayants de cette planète ». Car certains Noirs ont aussi choisi de répondre à la violence par la violence, comme ces snipers qui visèrent douze policiers et en tuèrent cinq. Leonard Pitts, journaliste du Miami Herald, a trouvé le diagnostic approprié : « Il y a un mal rampant dans notre pays, une putréfaction de l’âme, une corruption de l’esprit. Vous pouvez toujours le nier, moi, je sais que je ne le peux pas. Quelque chose ne va pas chez nous. Et je n’ai pas honte de vous dire que j’ai peur pour mon pays ».
![Les forces de l’ordre ont réprimé avec violence la manifestation paysanne de Soamahamanina.]()
Les forces de l’ordre ont réprimé avec violence la manifestation paysanne
de Soamahamanina.
Et si ce constat concernait aussi, exactement dans les mêmes termes, Madagascar et les Malgaches L’interrogation m’est venue à l’esprit, apportée par « ma » troisième et dernière photo : celle d’une pauvre paysanne déjà âgée de Soamahamanina, le visage tuméfié, s’appuyant au bras d’Augustin Andriamananoro. On nous a appris autrefois qu’à Madagascar on respectait les ancêtres, les aînés, les femmes, les enfants, et les rizières. Qu’en est-il resté Oh, une énième fois on arguera que les politiciens étaient derrière, le refrain est défraichi, éculé. Pense-t-on que s’il n’y avait pas Mandela, les Noirs sud-africains auraient continué sagement à emprunter les couloirs pour « Coloured », s’écartant de ceux « for White only » Que non, les meneurs ou ceux censés l’être ne sont en fait que les catalyseurs d’un bouillonnement déjà bien réel. Antoine de Saint-Exupéry – encore lui !- le disait d’une manière on ne peut plus claire : « Je me moque bien de connaître s’ils étaient sincères ou non, logiques ou non, les grands mots des politiciens. S’ils ont pris sur toi comme peuvent germer les semences, c’est qu’ils répondaient à tes besoins. Tu es seul juge. Ce sont les terres qui savent reconnaître le blé ».
Rétro pêle-mêle
Année 2003. Philippe Bourgeois, directeur général de Total Madagascar, introduit pour la première fois dans le pays le Super sans plomb 95. La filiale du Groupe Total Elf Fina se pose du coup en leader sur le marché local pour la qualité de ses produits et de ses services. Son budget qui était de 33 milliards en 2001, et de 24 milliards en 2002 à cause de la crise, grimpe à 44 milliards. Une attention particulière est affectée à la formation, au contrôle régulier des stations, et à l’analyse périodique des produits en laboratoire. Le Super sans plomb 95 est réputé contribuer à la lutte antipollution, thème central du Sommet de la terre d’août 2002 à Johannesburg.
Le nickel de Madagascar intéresse de plus en plus les investisseurs étrangers. Après la compagnie américaine Phelps Dodge Corp. associée à la canadienne Dynatec pour Ambatovy, une autre compagnie canadienne, la Diamond Fields International Ltd semble jeter son dévolu sur les réserves de Valozoro dans la province de Fianarantsoa. Elle est autorisée à évaluer pendant une période de 3 à 5 mois le volume des gisements de cette région, avant d’éventuellement obtenir son permis d’exploitation. On estime néanmoins que le nickel de Valozoro serait d’assez faible teneur, ce qui n’irait pas sans inconvénient pour son exportation à l’état brut. Mais peut-être n’est-il qu’un prétexte, la Diamond Fields ayant aussi dans son viseur le … diamant quelque part dans le grand Sud.
Telma lève le voile sur ses nouveaux hommes forts, dont beaucoup sont des transfuges du repreneur Distacom. David White remplace Mamiharilala Rasolojaona à la présidence du Conseil tandis que José Yvon Raserijaona, ancien DG de la BFV, ancien ministre des Finances, entre par la grande porte pour le poste de Secrétaire général. Bruno Andriantavison conserve la direction générale mais avec des prérogatives moindres, malgré la charge des relations avec les instances internationales et la recherche de partenariat. Adel Si Bouekaz, une nouvelle recrue, piochera sur la réorganisation de la Société, tandis que l’audit, le Business Plan, la coordination technique, et l’ingénierie échoient au directeur général adjoint Bernard Lemoine.
Textes : Tom Andriamanoro
Photos : L’Express de Madagascar – AFP