La quarantaine, le bel âge. Quarante années se sont alors écoulées depuis qu’un jeune loup de la politique du nom de Richard Andriamanjato a habilement su catalyser les élans nés du Congrès de Tamatave de 1958, pour créer l’AKFM avec une dizaine d’autres partis. Une pure malhonnêteté intellectuelle diront certains, puisque le tout nouveau parti, dans son nom même, usurpe l’objet de tout un Congrès qu’est le processus d’acquisition de l’indépendance. Durant ces quelque quarante premières années, le parti d’obédience marxiste-léniniste a connu bien des épreuves dont les schismes nés de la création de l’AKFM Tia Fandrosoana par le docteur Lala Rasamoely et, autrement plus grave car elle aurait pu lui être fatale, celle de l’AKFM Fanavaozana par l’un des fondateurs lui-même, le pasteur Andriamanjato. Sur le plan international, il y eut aussi l’écroulement du communisme, un véritable coup de poignard pour un parti dont le credo avait pour socle l’internationalisme. Mais c’était oublier la force de l’idéologie. Si le Fanavaozana était mieux fourni en ressources intellectuelles, l’AKFM originel pouvait continuer à s’appuyer sur la fidélité d’une base soudée autour de deux personnalités à l’approche plus accessible que celle de l’érudit polyglotte, à la fois docteur en théologie et mathématicien qu’était le pasteur : le journaliste Arsène Ratsifehera et surtout l’idéologue Gisèle Rabesahala. La parole au journaliste russe Vladimir Korotchantsev : « J’ai souvenir d’un édifice typiquement malgache en pisé, aux fenêtres étroites. On aurait dit un hangar que des cloisons de contreplaqué divisaient en imprimerie et en cagibis, royaume des rédacteurs. On pouvait toujours y trouver Gisèle Rabesahala tapant à sa machine ses articles ou ses commentaires sur des thèmes du jour. » Et de poursuivre : « Un jour, alors que Gisèle était ministre de la Culture et de l’Art Révolutionnaires, je lui ai demandé pourquoi elle se rendait aux meetings en transport en commun. N’était-ce pas s’exposer ? » Réponse : « Si j’arrive dans un village en limousine, je ne serais aux yeux des paysans qu’un tenant du pouvoir, une Tompoko, et il n’y aurait pas d’entretien à cœur ouvert ». Vladimir Korotchantsev d’ajouter : « Parfois je trouvais chez elle des paysans venus en taxi-brousse pour lui faire part de leurs soucis, des vexations perpétrées par les fonctionnaires. Elle les écoutait attentivement, donnait des conseils, expliquait la lutte des classes. » Des rapports de proximité inconcevables avec l’intellectuel distant, Richard Andriamanjato. Gisèle Rabesahala parle de la rage des réactionnaires : « Le parti fondé en 1958 a formulé un programme précis d’unité nationale et de lutte contre le néo-colonialisme. Les impérialistes en arrivent à recourir aux services des extrémistes de gauche à des fins de subversion. Il en était déjà ainsi en 1947. » Une pique au Monima dont le chef Monja Jaona avait milité durant les évènements au sein des sociétés secrètes, Jina et Panama, rivales du MDRM ? Ainsi luttait le plus vieux parti de Madagascar, encore bien actif, même si la relève n’a pas le charisme des fondateurs, un parti connu jusqu’à la caricature pour ses « analyses ». Le mot de la fin à la mémoire de Gisèle Rabesahala, partie pour un monde certainement plus conforme à ses idéaux, après toute une vie consacrée à la chose politique : « Lénine a prédit le sort de Madagascar. Nous avons des coutumes, des traditions, une histoire et une culture différentes, mais il existe des choses qui unissent tous les hommes : ce sont les idées de bien, de liberté, d’égalité authentique ». Ho tonga anie ny fahafahana…
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