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Bemiray –« Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière »

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A la veille de la fête de la Nativité, cette édition de Tom Andriamanoro ne peut occulter cette célébration. Mais il accorde aussi une place importante aux demi-dieux de ce monde, ainsi qu’au cheval qui, sous différents aspects, joue un rôle dans la vie de l’homme.

Culte de la personnalité – Ces sans-dieu qui se croient Dieu

J’ai toujours été fasciné par Antoine de Saint-Exupéry, jeune pilote-écrivain entré en 1926 à la Société Latécoère, qui assura avant l’Aéropostale la liaison Toulouse-Dakar. Peut-être parce que, à ma bien dérisoire altitude, j’ai aussi connu cette double attirance pour les lettres et l’avion dont j’ai fini par en faire un métier. Mais surtout pour son humanisme que résumait cette phrase : « L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle. » Dieu sait si Saint-Ex en a connu des obstacles, dans la neige des Andes comme dans le sable du Sahara !
L’avion lui a fait découvrir du ciel, des vérités qui peuvent échapper aux « rampants » et qui sont encore plus vraies aujourd’hui que de son temps. Sur les routes par exemple : « Les routes, durant des siècles, nous ont trompés. Nous ressemblions à cette souveraine qui désira visiter ses sujets et connaître s’ils se réjouissaient de son règne. Ses courtisans, afin de l’abuser, dressèrent sur son chemin quelques heureux décors et payèrent des figurants pour y danser. Hors du mince fil conducteur, elle n’entrevit rien de son royaume, et ne sut point qu’au large des campagnes, ceux qui mouraient de faim la maudissaient. » C’est ainsi que sa nomenklatura leurrait le dictateur Nicolae Ceausescu, et qu’à son tour, celui-ci trompait ses visiteurs officiels, en aménageant sur leur parcours des quartiers factices dont les magasins regorgeaient de nourriture. En réalité, le peuple roumain survivait dans la misère, condamné à chercher sa pitance quotidienne, un sac en plastique à la main.  C’est le paradis prêché par beaucoup d’autres « filoha mamim-bahoaka » de toutes les époques, de tous les continents, de toutes les pointures, avec ou sans idéologie, mais qui sont au final tous sortis du même moule.
L’exemple le plus accompli se trouve en Corée du Nord, cet État-guérilla en mutation comme le qualifie Philippe Pons, lequel y a effectué pas moins de douze voyages entre 1980 et 2014.

L’envoi de missiles nucléaires nord-coréens a provoqué un tollé général dans le monde entier.

L’envoi de missiles nucléaires nord-coréens a provoquéun tollé général dans le monde entier.

Sait-on au moins qu’avant la dynastie des Kim, Pyongyang était la ville la plus chrétienne d’Asie après Manille   Et que les parents de Kim Il Sung, avant d’être transformés par les biographies officielles, étaient de fervents presbytériens   Mais le futur maréchal, arrivé en 1945 dans les fourgons de l’armée soviétique, décida de tuer Dieu et de prendre sa place. Son petit-fils Kim Jong Un, le plus jeune chef d’État au monde, intronisé « Leader suprême » en mai dernier, commanditaire de l’assassinat de son propre oncle et mentor Jang Song Thaek, est en train de le dépasser sous tous les angles possibles.
Avec son visage poupin et sa coiffure bizarre à la Hanitra du groupe Tarika, Kim Jong Un a, au premier abord, ce qu’il faut pour inspirer une certaine sympathie. Aujourd’hui, il ne trompe plus personne. Richissime, grand amateur de caviar et de cognac français, admirateur déclaré de Michael Jordan et de Jean-Claude Van Damme, il perpétue « la théocratie de Pyongyang » qui attribue aux Kim une essence quasi divine. Kim III, comme on le surnomme, fit ses études primaires et secondaires dans des établissements ultrachics de Berne en Suisse, vivant sous une fausse identité dans un grand duplex qu’il ne quittait pratiquement jamais. Il en revint sans le moindre diplôme, mais qu’à cela ne tienne, la propagande officielle  est là pour y remédier : elle le fait  naître au pied du mont sacré Paektu, ce qui est archifaux, lui fait conduire sa première voiture à 3 ans, et rédiger une thèse de stratégie militaire à 15… Il apprend à parler et à marcher comme Kim Il Sung qui reste vénéré dans ce pays clos, et passe, dit-on, par la chirurgie esthétique pour accentuer la ressemblance. Par contre, ce que personne ne conteste, c’est son intelligence. Selon Ra Jong Il qui dirigea les services secrets sud-coréens, « Kim III n’est pas un demi-dieu comme le croient ses compatriotes, mais il est extrêmement intelligent. C’est pour cela qu’il est particulièrement dangereux ».
Le peuple, pendant ce temps, n’en finit pas de dépérir et n’attend plus rien de son Leader Suprême. Depuis la grande famine des années 1990, il sait que le système ne fonctionne plus. Tout s’est effondré. Un quart seulement des Nord-Coréens peuvent survivre avec un maigre salaire. Les autres essayent de se débrouiller grâce au « jangmadang », le marché noir.
Ainsi va la vie hors du cercle des privilégiés, loin de l’artifice de certaines routes en trompe l’œil dénoncées par Saint-Exupéry, un peu partout dans les pays gouvernés par des mégalomanes, dont le problème est que le nombril leur monte trop souvent à la tête. Et qui se croient Dieu sans en avoir l’éternité.

BE3Conte de Noël – Le cordonnier

Ra-Martin est ce vieil artisan qui habite dans un minuscule local lui servant d’atelier côté rue, et de chambre à coucher derrière un simple rideau tout délavé. Depuis quelque temps, il paraît étrangement de bonne humeur, pour ne pas dire heureux. Surtout à chaque fois qu’il ouvre un gros livre qui ne le quitte plus, et où il semble se  passionner pour une histoire d’il y a deux mille ans. « Il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie… Ah ! S’ils avaient plutôt choisi de venir chez moi ! Je leur aurais fait toute la place, je suis tout seul… »
Il se souvint de la paire de petits chaussons qu’une dame portant son bébé avait laissés tomber devant son échoppe. Il n’avait pas pu les lui rendre, puisqu’elle n’était plus jamais repassée. « Voilà ce que je lui offrirai, ça le tiendra chaud. C’est la mère qui sera contente ! » Et Ra-Martin replongea dans ses rêveries. Est-ce à cause du sommeil qui commençait à alourdir ses paupières   Il entendit soudain une voix alors qu’il n’y avait personne d’autre que lui : « Martin, tu as désiré me rencontrer  Regarde dans la rue demain, du matin jusqu’au soir, et tu me verras à un moment ou à un autre. »
Était-ce un rêve   Qu’importe, se dit Ra-Martin en quittant son matelas. Je l’attendrai, je n’ai d’ailleurs pas grand-chose à faire. Tiens, voilà le balayeur de rue, il doit mourir de froid ! « Venez vous réchauffer, mon brave, vous ne refuserez pas une petite tasse de café bien chaud ! » Le balayeur entra et, entre deux remerciements, ne put s’empêcher de lui demander ce qu’il regarde dehors. « J’attends mon maître. Il peut venir d’un moment à l’autre ». Deux heures après, le regard de Ra-Martin fut attiré par une jeune femme pâle et décharnée, portant un enfant dans ses bras. Elle était malade, et son mari les avait abandonnés depuis un mois déjà. « Vous n’avez pas l’air bien du tout, ma belle. Vous mangerez bien un morceau de pain pendant que je prépare du lait pour le petit   » C’est à ce moment qu’il remarqua que le bébé avait les pieds nus, en plein hiver, et alla chercher les chaussons. « Prenez-les, je n’en ai pas besoin, je n’ai plus de famille ». Et il reprit son poste d’observation près de la fenêtre pendant que la pauvre femme et son enfant se perdaient dans la foule. Et ce fut le tour du voisin de frapper à sa porte. « Excusez-moi, mon ami. C’est férié aujourd’hui et pourtant on a oublié d’acheter du pain. Ne pourriez-vous pas nous en prêter un bout   » Ra-Martin fut au contraire très heureux de cette demande. « Mais bien sûr, cher voisin, depuis le temps qu’on se connait. Prenez donc ! »
Les heures succédaient aux heures, les trottoirs commençaient à se vider, et pourtant le maître ne paraissait toujours pas. Seuls quelques mendiants attardés lui demandèrent encore l’aumône. Et la nuit vint, il était désormais inutile de rester près de la fenêtre. « Ce n’était qu’un rêve, et pourtant je l’avais bien espéré ! » Le vieux cordonnier avait à peine fermé qu’une voix qu’il reconnut résonna dans l’atelier vide : « J’ai eu faim et tu m’as donné à manger. J’ai eu soif et tu m’as donné à boire. J’étais étranger et tu m’as recueilli. Toutes les fois que tu as fait ces choses à l’un de ces petits, tu me les as faites à moi-même. »

La blancheur de sa robe donne au cheval plus de noblesse.

La blancheur de sa robe donneau cheval plus de noblesse.

L’homme et la bête – La saga du cheval 

En cette troisième année d’une crise qui a la pudeur de ne pas dire son nom, Noël une fois de plus ne pourra rien y faire : la vie est dure, très dure, trop dure. Parmi tous ceux qui ont tiré le diable par la queue depuis janvier, beaucoup termineront une fois de plus l’année sans avoir attrapé la chance par son unique cheveu. Le plus souvent, ce tif pas facile à piéger n’est autre que le crin d’un bourrin qui officie à Auteuil, à Enghien ou à Deauville, et non à Ambatolampy ou à Bevalala. Il porte les espoirs de parieurs qui ne désespèrent pas de trouver La bonne combinaison, surtout quand est annoncée une tirelire miraculeuse à grand renfort de slogans souvent avalés de travers : Seuls ceux qui jouent gagnent, soit, mais tous ceux qui jouent ne gagnent pas, nuance !
La plus belle conquête de l’homme est, semble-t-il, plus noble, plus avenante, plus tout ce qu’on veut, lorsque sa robe (dire son pelage serait un iconoclasme) est immaculée. Il n’existe pas de cheval vert sauf sous la plume de Marcel Aymé. En blanc, il est prestigieux comme celui de Napoléon, intelligent comme celui du cowboy qui tire plus vite que son ombre, ou terrifiant comme celui du cavalier de l’Apocalypse. À moins qu’il n’inspire la pitié comme la haridelle de Don Quichotte. Les jeunes filles romantiques rêvaient de se faire enlever sur un cheval blanc, en aucun cas sur une charrette à bœuf, un âne, ou un dromadaire. Quoique dans ce dernier cas et transplanté au monde d’aujourd’hui, il leur soit conseillé de réfléchir, le prétendant pouvant alors être un cheikh fortement chéqué. Plus rare encore serait le cas du propriétaire d’une Ferrari dont l’emblème est un petit cheval noir cabré. Inutile d’espérer le décalquer sur le capot d’une deux chevaux… Mais si le noir ne va pas si mal à ce genre de bijou pomponné, bichonné, plein de chevaux (vapeurs) qui ne demandent qu’à vroomer, un whisky «black horse » serait du plus mauvais goût sinon au propre, du moins au figuré…
Les chevaux de Troie quant à eux peuvent tourner au cauchemar pour les utilisateurs d’ordinateurs. Rien à voir avec le crottin des haras, ni avec l’Odyssée d’Homère ou l’Enéide de Virgile. Un virus du genre « I love you » s’infiltre dans le matos et lui flanque l’équivalent du sida, de la peste, du choléra et du typhus réunis et portés à la puissance sept. De quoi après coup trembloter en ouvrant les e-mails, jusqu’à oublier que depuis longtemps il est de meilleur ton de parler de courriels.
Un autre type de cheval de Troie est cette fois-ci politique. Vous pensez pouvoir l’exploiter à bon escient, vous l’engagez pour un petit galop d’essai avant embauche, sans imaginer un seul instant que son objectif est d’un jour pouvoir voler plus haut que Pégase. Il a un CV bien fourni (cette fois-ci il ne s’agit plus de cheval vapeur mais plutôt de curriculum : pensez donc, il a à son compteur moult écuries avant son dernier recruteur !). Ce spécialiste des ruades, ce dispensateur de regrets éternels à envoyer brouter son foin ailleurs, tient en horreur de rester plus longtemps avec un « soavaly maty »…
Que passent l’élégance du cheval anglais, l’endurance de celui de labour, la résistance du mustang ou la sobriété du cheval arabe. À Madagascar, le cheptel n’était plus que de 800 têtes en 1987, pour tomber à 300 en 2005 contre plus de 500 000 en France. Encore heureux qu’il y ait ces dernières poches d’espoir pour la race chevaline que sont l’Association des éleveurs, les clubs hippiques, la gendarmerie, les hôtels programmant des randonnées équestres. Le père de Lemizo domicilié à Anosibe ne fait pas partie du lot, l’élevage très dispendieux exigeant des provendes spécifiques, à part les bonnes pâtures et les produits vétérinaires loin d’être donnés. L’Histoire a retenu que le premier exemplaire venu de Maurice a été offert à Radama Ier, ce souverain qualifié par les chroniqueurs de l’époque de « ray aman-drenin’ny sivilizasio », père de la civilisation. Le hasard fait bien les choses, puisque le nom malgache donné au cheval a quelque part comme une idée de cadeau : de « soavaly » à « valisoa » il n’y a jamais qu’une petite haie.

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Rétro pêle-mêle

Un sacré bain de jouvence, que de redécouvrir, par le plus grand des hasards, un « tour de presse 2003 » effectué par un hebdo dont beaucoup ne se rappellent même plus l’existence. Extraits.
La piscine de Toamasina est fermée, Antananarivo est trop froid, et Toamasina en rupture de stocks : chlore, sulfate d’alumine, et autres produits d’assainissement du bassin.
Inutile d’appeler le 22 222 22 en dehors des heures de bureau. L’incommunication rappelle le dialogue d’une préposée et de celui qui réclame le 22 à Asnières. Air Madagascar, ne serait-ce qu’à cause de ce sketch de Fernand Raynaud et la similitude du chiffre d’appel, gagnerait à se « dénuméroter ».
Les autorités de tutelle de la RN2 se mobilisent contre les violences routières. Triste litanie des accidents, longue énumération des causes, accusation et défense des routiers… Les points de contrôle sont fixes. Sûr qu’à ces endroits la route est sécurisée. Une demi-douzaine soit six fois un kilomètre, cela donne six kilomètres sur les 356 du Tana-Toamasina.
Selon Clément Ravalisaona, Albert Zafy doit aussi être jugé. Il aurait à répondre de la marche sur Iavoloha, et aux accusations portées par Didier Ratsiraka à propos des grenades que les Forces Vives auraient fait exploser pour avoir leurs martyrs. L’Amiral serait alors un témoin à charge sur l’affaire du 10 août.
Selon un certain M. Bourgoin, responsable Afrique du PMU France, les courses font reculer l’analphabétisme. Les gens apprennent à lire et à écrire pour mieux parier. Des frais d’inscription et de scolarité à répétition qui, pour un très petit nombre, rapportent gros, et pour beaucoup instruisent. Mieux que rien.
Assassinat et vols à Ilakaka, plus la pression monte, et plus le prix des pierres chute. Cela fait la joie des Srilankais qui réalisent des transactions exceptionnelles.
La population découvre la retraite complémentaire. En complément de quelle retraite au juste ?  À Ambatolampy, la population ciblée par cette fleur est composée de ruraux, d’informels, d’artisans, qui ne sont pas affiliés à un organisme de couverture sociale, encore moins à une caisse de retraite.
Le Fivmpama clôture ses travaux sur l’Accord de Cotonou et met en place une plateforme de 35 membres pour concevoir et mettre en œuvre un programme de participation effective des Acteurs Non Étatiques ou… Ane. Rien que du beau monde, des bonnes âmes, et des gros bonnets.
Le Général-Pds Razakarimanana se livre à un esclandre à Analavory lors de l’inauguration du réseau électrique, pour ne pas avoir été remarqué, à première vue, comme une personnalité. Le courant ne serait-il pas passé  ?

Textes : Tom Andriamanoro
Photos : Archives de L’Express de Madagascar – Internet


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