Le militantisme et l’engagement politique vont, parfois, de pair avec la littérature : les œuvres de Ny Avana Ramanantoanina, Rado et autre Aimé Césaire sont là pour en témoigner. À l’antipode des idées et des agissements, certains hommes veulent le pouvoir pour s’enrichir, le Guinéo-équatorien Teodorin Obiang Nguema, empêtré dans l’affaire sur « les biens mal acquis » en est un exemple-type.

À travers ses poèmes et nouvelles, Ny Avana Ramanantoanina, a mis en exergue le patriotisme, jusqu’à être mis en exil aux Comores dans l’affaire VVS. L’écrivain martiniquais Aimé Césaire, chantre de la négritude,a lutté contre la tentative d’assimilation culturelle de la France.
Histoire – Culture et engagement politique
Antananarivo en 1914, c’était il y a bien longtemps… Glissant furtivement dans la nuit sans lune, des silhouettes rasent les murs en direction de la maison du photographe Ramilijaona à Ambatovinaky. Les rares patrouilles de police sont facilement déjouées, ces dernières ayant l’habitude de se donner de l’entrain en chantonnant ou en sifflotant des airs populaires. Peut-être même que quelques liqueurs revigorantes ne sont pas absentes des capotes… À Ambatovinaky, à mi-parcours de la montée pavée, chaque arrivant est accueilli silencieusement et guidé vers le maître de cérémonie : le poète Ny Avana Ramanantoanina, un grand homme de lettres. La cérémonie peut enfin commencer.
Sur l’autel sont disposés une assiette contenant de la terre où sont dessinés les contours de Madagascar, un bol rempli de sang, et un couteau. Chaque nouveau-venu prononce alors des vœux en sept points axés sur l’amour de la patrie quel qu’en soit le prix, l’unité nationale, et la fidélité à la société secrète. Le grand maître lui présente l’assiette contenant la terre et l’image de Madagascar pour qu’il l’embrasse, avant de plonger l’index dans le sang, et apposer une marque sur son front. Le postulant finalise son engagement définitif en léchant la lame du couteau, un geste signifiant que jamais il ne trahira la cause. Les officiants mettent alors les mains sur sa tête, et entonnent la formule rituelle d’acceptation : « Ho Vy Vato anie ny ainao. Hahaleo hahalasa. Hitandro ny firaisana sy ny fifankatiavana. Hikajy ny tsiambaratelon’ny fikambanana. Ho isan’ny Sakelika mahafatra-po ». Le nouveau membre se relève, contenant mal son émotion : à partir de cet instant précis, il est un VVS à part entière ! Le « Vy » et le « Vato » symbolisent la force de son engagement selon la bénédiction ancestrale : « ho vy vato anie ny ainao ». Le « Sakelika », pour sa part, fait allusion à la olidité du réseau car même si les membres ne se connaissent pas tous, ils ont prononcé le même serment. Mais de leur côté, les services secrets de l’administration coloniale firent preuve, eux aussi, d’une redoutable efficacité. Après une rafle menée dans les principales villes, un grand procès du VVS se tint le 18 février 1916 au Palais d’Andafiavaratra. Sans aller jusqu’à des peines capitales, il prononça de nombreuses condamnations à la réclusion, dont certaines à perpétuité. Ceux déportés et incarcérés à Dzaoudzi et à Nosy Lava finirent par obtenir une remise grâce aux efforts d’un certain Jean Ralaimongo et de ses amis français. Mais la voie était tracée, et pour longtemps : Culture et engagement ne faisaient désormais plus qu’un. Préfaçant le recueil intitulé « Zo » du poète Rado, Gisèle Rabesahala alors ministre de la Culture s’exprimait en ces termes : « j’apprécie tout particulièrement les œuvres de Rado, sa maîtrise parfaite de la langue malgache, cette langue de nos ancêtres qui nous permet d’entretenir notre patriotisme ». Beaucoup d’eau, malheureusement, a coulé depuis sous les ponts de l’Ikopa…
Négritude
Paris en septembre 1956, c’était il y a bien longtemps… Soixante ans aujourd’hui, presque jour pour jour. La prestigieuse Sorbonne abrite le Congrès des écrivains et artistes noirs de tous horizons : Africains, Antillais, Nord-Américains. Contrairement aux Malgaches et leur bilinguisme, eux sont obligés de s’exprimer presque exclusivement dans la langue de l’oppresseur, qu’il soit colonisateur ou ségrégationniste. L’engagement des intellectuels n’en est pas moins réel et très actif, puisqu’en 1930 déjà naissait le concept de « négritude » avec à sa tête des personnalités respectées comme le Martiniquais Aimé Césaire. Deux de ses pamphlets, très abrupts, le « Discours sur le colonialisme » (1953), et la « Lettre à Maurice Thorez » (1956), témoignent de l’âpreté des luttes politiques de l’époque. Dans son célèbre « Cahier d’un retour au pays natal » (1939), il décrivait la négritude en ces termes : « Ma négritude n’est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour, ma négritude n’est pas une taie d’eau morte sur l’œil mort de la terre, ma négritude n’est ni une tour ni une cathédrale, elle plonge dans la chair rouge du sol, elle plonge dans la chair ardente du ciel, elle troue l’accablement opaque de sa droit patience ». Mais son chef-d’œuvre sera pour plus tard, plus exactement pour 1963 : « La tragédie du roi Christophe » qui dénonce les ratés de la libération du Tiers Monde.
La réunion de la Sorbonne aboutit à un consensus, comme quoi la culture doit être un outil de libération nationale. Pour y arriver, les débats portèrent aussi bien sur les convergences et les divergences entre les différentes luttes menées, selon leur contexte, que sur des points idéologiques en relation avec la Guerre Froide. Une touche particulière, rompant le traditionnel face à face entre francophones et anglophones, fut apportée par les participants angolais et mozambicains, lesquels rejoindront plus tard les rangs de mouvements comme le Frelimo ou le MPLA. L’esprit de 1956 se retrouvera en 1959 à Rome, avec la précieuse adhésion de l’art cinématographique aux idéaux du Congrès, pour ne citer que le Sénégalais Ousmane Sembene. On n’oubliera pas non plus la dimension panafricaniste acquise sur les planches par Myriam Makeba, Francis Bebey, Manu Dibango, et beaucoup d’autres.
En 1948 déjà, préfaçant « l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française » de Léopold Senghor, Jean-Paul Sartre affirmait que la poésie écrite en français par les Négro-Africains était nécessairement la seule poésie révolutionnaire. Et d’ajouter : « À la ruse du colon ils répondent par une ruse inverse et semblable : puisque l’oppresseur est présent jusque dans la langue qu’ils parlent, ils parleront cette langue pour la détruire… Il s’agit pour le Noir de mourir à la culture blanche pour renaître à l’âme noire, comme le philosophe platonicien meurt à son corps pour renaître à la vérité ». Cette Francophonie-là, on en redemanderait. Beaucoup d’eau, malheureusement, a coulé depuis sous les ponts de la Seine…

Le parc national Kirindy Mite, géré par Madagascat National Parks,
recèle une zone humide essentielle pour les oiseaux.
Sites Ramsar – Zones humides et esprits à sec
Difficile de la localiser d’emblée sur une mappemonde, et pourtant elle a associé à jamais son nom à une des plus importantes initiatives internationales prises à ce jour pour la préservation de la planète. Ramsar est une ville iranienne au bord de la Mer Caspienne, où a été signée le 2 février 1971 une Convention internationale sur les zones humides, qui porte son nom. La date du 2 février a, d’ailleurs, été retenue pour, désormais, être celle de la Journée mondiale consacrée à cette cause. Cette année, le thème en a été « Les zones humides pour notre avenir : modes de vie durables ». Madagascar a ratifié la Convention en 1998, devenant ainsi sa 113è partie contractante. Et on est en droit d’espérer qu’il ne s’agissait pas que d’un simple document vouée aux fonds de placard puisque, en juin 2015 lors de la 12è Conférence des parties hébergée par l’Uruguay, il s’est engagé à doubler le nombre de ses sites Ramsar d’ici 2018. À moins d’être accaparé par d’autres priorités, serait-on tenté de susurrer…
Les zones humides pourvoient les communautés de moyens de subsistances, elles renferment des plantes médicinales, de l’eau potable, des produits ligneux utilisés pour l’énergie et l’artisanat. Elles sont aussi des lieux de concentration de la biodiversité, des sites de reproduction de l’avifaune, et un réservoir permanent de ressources halieutiques. Les zones inscrites sur la Liste Ramsar acquièrent ainsi une importance exceptionnelle, non seulement pour les pays où elles sont localisées, mais pour l’humanité toute entière comme le définit le cadre stratégique : « Élaborer et maintenir un réseau international de zones humides importantes en raison des fonctions écologiques et hydrologiques qu’elles remplissent, pour la conservation de la diversité biologique et la pérennité de la vie humaine ».
Madagascar possède une bonne dizaine de sites Ramsar, dont le plus vaste est celui de l’Alaotra avec son lac de 20 000 ha, ses marais, ses rizières, ses cours d’eau et ses bassins versants, le tout totalisant une superficie de plus de 700 000 ha. Un des tout premiers à avoir été inscrit est Tsimanampetsotse dont le lac, célèbre pour ses concentrations de flamants roses et ses poissons aveugles qui ont fortement intrigué le commandant Cousteau, a été classé réserve naturelle depuis 1927. Avec l’aide de la population riveraine, il est question pour Madagascar National Parks de porter la superficie du Parc à plus de 200 000 ha pour une meilleure représentation de la biodiversité. Nosivolo, pour sa part, est une rivière de la province de Toamasina, classée en 2010 et lauréate du Prix Blue Globe, deux ans après. Quant à Tsarasaotra, ancien domaine du Premier ministre Rainilaiarivony, aujourd’hui propriété de la famille Ranarivelo, il est le seul parc privé au monde à être inscrit sur la liste Ramsar.
Avec autant de richesses naturelles impliquant aussi de lourdes responsabilités, il est permis de se demander pourquoi a-t-on, et continue-t-on à remblayer à tout va les zones humides autour d’Antananarivo. L’état d’esprit requis n’y est tout simplement pas. Andohatapenaka n’est certes pas un site Ramsar, mais quand il n’était que rizières et marécages, il valait mille fois plus que tout ce qu’on ne pourra jamais y construire. Hier comme aujourd’hui, les pseudo-bâtisseurs avec leurs engins n’ont rien compris.

Teodorin Obiang Nguema possède un hôtel particulier de 5 000 m2 dans un quartier huppé de Paris, et 17 voitures de luxe.
Fortunes – Bienvenue chez Crésus !
Incroyable mais vrai : l’ancien copropriétaire d’une tour de vingt étages située devant le Hilton de Nairobi a habité, durant toute sa vie, dans une petite case en périphérie de la ville. Il n’a même ressenti le besoin de se brancher à l’électricité que quand sa vue n’a plus pu s’accommoder à la flamme vacillante d’une bougie. Ce genre d’anachronisme n’épargne pas la société malgache car charbonnier est maître chez lui, en premier lieu, de la manière d’utiliser son argent. Dans tel fokontany de la capitale ou d’ailleurs, combien sont-ils ces propriétaires d’une véritable flotte de camions et de Sprinter, de constructions à l’architecture douteuse avec une drôle de petite cabane tout en haut, dont les milliards n’ont jamais influé sur le standing de vie Ils se nippent à la fripe comme tout le monde, et se contentent de brèdes à midi. Comme tout le monde. Il fut même un temps où il se disait qu’une grande partie des immeubles de l’Avenue de l’Indépendance appartenait à des « be lamba » marchands de bois d’Isotry. Sûr que ceux-là non plus ne chaussaient pas du Made in Italy en cuir véritable…
Il y a quand même, Dieu merci, d’autres types de riches dans notre bonne société malgache, plus en phase avec leur statut social de Job d’avant ou d’après ses malheurs, c’est selon. Quatre enfants Et quatre villas, quatre ! lancerait le serveur d’un café de Paname. Pas de place pour les Mercédès 18 places dans le parc auto familial, plutôt les meilleurs « tout terrain » que, malgré leur appellation, on n’aventurera jamais sur tous les terrains raccommodés de ce pays. Madame ne voudra jamais. Quant à investir, créer des emplois, trop risqué. Il vaut mieux laisser cela aux Indiens, quitte à leur jeter l’anathème par la suite. À la limite, un gros truc en béton pour mariages bourgeois du samedi, dont le coût dépasserait pourtant celui d’une chaîne d’écolodges haut de gamme, dans les meilleurs sites du pays profond …

Le président de la République du Congo, Denis Sassou Nguesso, semblepour le moment, intouchabledans l’affaire des biens mal acquis.
Biens mal acquis
À Montesquieu de se demander, en son temps, comment on pouvait être Persan. Aujourd’hui, la tentation pour beaucoup est plutôt celle de devenir plus que riche, car riche ne suffit plus. Le chemin le plus court parait être la haute politique sauf que, comme au bac, il est interdit non point de tricher, mais de se faire prendre. L’ancien président brésilien Lula en sait quelque chose, lui qui se retrouve empêtré dans une affaire de corruption à grande échelle avec Petrobras.
Ne surtout pas se faire prendre, sinon tant pis ! Tant pis aussi pour Teodorin Obiang Nguema, fils du président de Guinée Équatoriale et non moins vice-président par la grâce de son père. Le patrimoine qu’il s’est constitué en France, éventé par les enquêtes sur les biens mal acquis, dépasse l’entendement : un hôtel particulier de 4 000m2 dans le XVIè arrondissement avec, dans les salles d’eau, des robinets couverts de feuille d’or, 17 voitures de luxe dont, excusez du peu, des Rolls-Royce et autres Bugatti, une collection d’œuvres d’art à faire tomber en syncope le Conservateur du Louvre… On le soupçonne aussi d’avoir détourné plus de 110 millions d’euros du Trésor public de son pays, et d’avoir perçu de substantielles commissions sur l’exploitation du bois. Etait-il… rose ce bois, ou d’une autre couleur Le président déchu centrafricain François Bozizé, l’héritage d’Omar Bongo qui, décidément, n’arrive toujours pas à jouir du sommeil du juste, le Congolais Denis Sassou Nguesso sont aussi dans le collimateur quoique, pour ce dernier, encore en exercice, la procédure risque de tourner court. Ne surtout pas se faire prendre, n’est-ce-pas M. Karim Wade Dans un passé lointain, la Suisse a accepté de restituer à la RD Congo les avoirs de Mobutu Sese Seko gelés dans ses banques, au Nigéria le trésor de guerre de Sani Abacha, à Haïti la fortune amassée par Bébé Doc. Le président malgache d’une époque moins éloignée est, lui, entré dans une de ses proverbiales colères : il n’a jamais pu faire rapatrier un important pactole en francs suisses fleurant bon le miel (en malgache « tantely ») d’Ambositra…
Mais laissons donc les autres à leurs turpitudes. Pensez-donc, on peut aujourd’hui se permettre de faire l’aumône de notre or et de nos terres rares à ces pauvres Chinois : Madagascar est plus heureuse que le Bhoutan, prouvez donc le contraire, vous presse menteuse, et vous société civile frondeuse ! Mais comme disait il y a peu de temps Mamane de la Radio mondiale, on peut encore vous « civiliser » en faisant appel à l’armée. Il n’y a pas à désespérer. Les paroles de notre hymne national n’ont jamais été aussi vraies : E, sambatra tokoa izahay !
Rétro pêle-mêle
L’European Ethnic and Speciality Food Show, tenu à Paris en juin 2001, s’est donné comme objectif de promouvoir les ingrédients, plats, boissons, et pâtisseries « ethniques » propres à un seul pays ou à une seule région. Madagascar faisait partie des participants venus des cinq continents qui ont rivalisé d’originalité et de savoir-faire pour valoriser leurs richesses culinaires. Dans un premier stand, l’incontournable Mariette Andrianjaka assistée de deux restaurateurs malgaches de France et de Madagascar servait les préparations tout en finesse dont elle a le secret, pendant que, dans le deuxième stand, des promoteurs faisaient admirer la richesse du terroir malgache dans des packagings très suggestifs. Le charmant cadre reconstituant les paysages des Hautes Terres n’était certainement pas pour rien dans les fréquents passages des médias venus s’enquérir des secrets du riz rouge ou de l’anguille farcie.
1999. Les cinq destinations préférées des Japonais au niveau de l’Afrique et de l’océan Indien sont l’Égypte, le Maroc, l’Afrique du Sud, le Kenya, et la Tunisie. Madagascar, pour sa part, se classe en neuvième position sur la quinzaine de pays répertoriés. Parmi les Japonais qui connaissent le pays figurent les journalistes, les hommes d’affaires, et les membres d’association ayant une antenne à Madagascar. On peut également y ajouter les jeunes volontaires membres de l’association La Croix du Sud opérant dans le domaine de l’agriculture, et des étudiants comme ceux du Kansai University Expedition Club venus pour un voyage d’études en 1997. Un cas plus que spécial : cette famille venant tous les ans pour se recueillir devant la stèle érigée derrière l’Hôpital d’Antsiranana à la mémoire de quatre officiers de marine japonais morts dans les eaux malgaches durant la Deuxième guerre mondiale.
Afin de sortir d’un relatif anonymat qu’elle ne mérite pas, la commune d’Ambalavao organise en ce début de l’année 2001 une exposition en collaboration avec l’association française des Volontaires du Progrès, l’association Mikolo, ainsi que le Service de coopération et d’action culturelle (SCAC) de l’Ambassade de France. Les thèmes abordés sont le patrimoine architectural (dont les célèbres maisons à varangues), l’artisanat (papier antemoro et tissus betsileo frangés de perles), les activités commerciales (marché aux zébus, vignobles), ainsi que les sites écotouristiques et sportifs (forêt d’Anja, Tsaranoro et massif de l’Andringitra), le tout agrémenté de photos commentées et de reproductions de l’habitat traditionnel betsileo avec son grenier à riz.
Textes : Tom Andriamanoro
Photos : L’Express de Madagascar – Fournies