C’est la cacophonie autour de la célébration du Nouvel an malgache. L’astrologue Albert Rabearifeno apporte son point de vue sur cette date controversée.
Un événement traditionnel et coutumier. La célébration du Nouvel an malgache occupe une place importante au sein de la culture de la Grande île. Elle promet, comme à l’accoutumée, une pléiade de manifestations dans différentes parties des Hauts-plateaux.
Ceci-dit, les avis divergent constamment quant à la date exacte de sa célébration. Le centre culturel malgache regroupant les « Ampanjaka », les « Soja be » et autres « Andriana» aux côtés de fameux astronomes ou « mpanandro », les descendants de la reine Ranavalona originaires d’Anosimanjaka ainsi que les acteurs culturels au sein du Tahala Rarihasina, ne sont pas d’accord. Cet évènement, connu comme l’ « Asaramanitra », convie chaque année les Malgaches à festoyer selon les rites ancestraux. La date du Nouvel an est fixée suivant diverses prédictions astronomiques.
Doté d’une bonne dose d’humilité et de spiritualité, Albert Rabearifeno est un érudit traditionnel. Il se plait à discuter et à partager son point de vue d’astrologue sur la célébration de cette fête traditionnelle selon la digne prédiction des astres. Il invite également à une connaissance plus approfondie du calendrier malgache.
« Cette année est placée sous le signe d’une nouvelle lune, se consacrant plus à l’Alahamady. Comme toute fête qu’on célèbre, elle doit impérativement se référer aux astres et au bon déroulement des jours selon le calendrier lunaire malgache.» D’après Albert Rabearifeno, le calendrier lunaire malgache a une particularité propre et logique. Avec 7 jours sur 4 semaines selon les astres, un mois malgache compte uniquement 28 jours. De là partent les études et les calculs astronomiques d’Albert Rabearifeno quant à nos fêtes traditionnelles malgaches. Cet astrologue a lui-même édité un calendrier astrologique, d’après ses prédictions.

Albert Rabearifeno, illustre astrologue, historien et poète pour qui la culture et les traditions malgaches sont les plus belles richessesdu pays.
Un astrologue philosophe et intellectuel
« Ny fanahy no olona.» C’est à travers ce leitmotiv qu’Albert Rabearifeno se fait entendre sur la scène culturelle, là où la majorité affirme « Ny fanahy no maha olona ». « Comprenez par là que toute chose en ce monde a une âme, un esprit qui la caracterise. Dans ce cas là, on dit que c’est son esprit qui fait de lui un homme. Même après la mort, l’homme survit grâce à son âme qui continue à errer, à être protecteur et à bénir son entourage.»

Albert Rabearifeno a édité un livre,une encyclopédie même, pour réunir ses mémoires autour des us et coutumes de Madagascar.
Respectez les astrologues
Les « Zokiolona » des hauts-plateaux envisagent de fêter le Nouvel an malgache du 7 au 10 mars, du Tahala Rarihasina à Ambohitrabiby. Les descendants de la reine Ranavalona, eux, affirment qu’il doit être célébré les 4 et 5 juillet. Albert Rabearifeno estime que seule une concertation entre les astrologues eux-mêmes permettrait d’établir une date exacte et unique quant à la célébration de cet événement. « Cela s’est déjà fait, par exemple, le 14 octobre 1961, quand Joseph Rakotonirainy a réuni tous les illustres astrologues de la Grande île, dont les fameux Antemoro Katibo, pour discuter. Cette rencontre s’est surtout focalisée sur les terminologies en rapport aux fêtes ancestrales.» La mise en place d’une date unique importe, car telle la célébration occidentale, le Nouvel an doit réunir tous les Malgaches lors d’une une seule festivité. Célébré autant chez les Betsileo, que chez les Antakarana ou encore dans le Menabe et les Hauts-plateaux, l’Asaramanitra est la fête malgache par excellence.

L’une des expositions que Albert Rabearifeno a tenue au sein de l’Is’Art Galerie, consacrée à l’origine historique des Malgachesà travers les fameux « Vazimba ».
Un parcours honorifique
Albert Rabearifeno commence ses années d’études dans la garderie que son père a dirigée à Anjahamarina Manatsatrana à Analanjirofo. S’ensuit une mutation à Manakambahiny Ambatondrazaka. Le petit Albert est témoin des opérations autour du mouvement MDRM le 29 mars 1947, un soir où les soldats français et sénégalais attaquent leur village. Les habitants sont obligés de s’enfuir. Albert Rabearifeno continue ses études à l’Ecole Officielle et Missionaire d’Amboniatsimo à Imerimandroso, dirigée par Mme Evas, une pianiste anglaise. Il obtient le CEPE et le CESD Nouveau Régime. Il ne cesse de se cultiver et a intégré l’« Institut Psychologique Moderne » (IPM) à Nice, France. Il y fait des études et des recherches d’approfondissement sur l’astrologie. Jusqu’à maintenant, il édite des livres et met en place expositions et conférences pour partager son savoir sur l’astrologie malgache auprès des jeunes.

Albert Rabearifeno partage ses connaissances sur les astres, en rapport avec l’histoire de la Grande île.
Une célébration controversée
Bien qu’étant une célébration ancestrale, le Nouvel an malgache a souvent fait face à des divergences d’opinions. Olombelo Ricky, du Vazimba Mpanazary, raconte « Pour ma part j’ai toujours eu un profond respect pour Albert Rabearifeno. Ainsi, à une époque plus contemporaine, la célébration du Nouvel an se référant à ses prédictions s’est toujours tenue près du Tahala Rarihasina. Jusqu’à ce que, face à la controverse, en 1993, le gouvernement, alors très religieux, l’a fait interdire ». À cette époque, ils étaient une bande d’irréductibles acteurs culturels, soutenus par le ministre de la culture Tsilavina Ralaindimby, à fêter cet événement. Depuis, ayant fait tâche d’huile, la célébration de l’Asaramanitra se serait perpétuée dans les quatre coins de la Grande île.
Fidèle du Tahala Rarihasina
Albert Rabearifeno célèbrera cette année le Nouvel an malgache, au Tahala Rarihasina Analakely, du 7 mars à la fin du mois, aux côtés du Vazimba Mpanazary et de la compagnie Rary. Ils fêteront l’Asaramanitra dans le respect de la tradition. Albert Rabearifeno, en tant qu’astrologue et aîné bénira la célébration, notamment à travers le fameux « Zara hasina ». Plusieurs représentants des autres régions s’y retrouveront. Les festivités débuteront de 9 heures. Au programme : chants, danses, contes, art contemporain, poésie et conférence-débat sur l’astrologie malgache. « Plus qu’une célébration purement symbolique, Rabearifeno invite surtout le public à s’immerger et à mieux comprendre cette fête de l’Asaramanitra, tout en prônant une ouverture à tous », conclut Olombelo Ricky.