Comment maintenir le réchauffement climatique en-dessous de 2°C Au-delà des engagements attendus de chaque pays, des particuliers ne ménagent pas leurs efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, principale cause du réchauffement. Il s’agit donc de limiter l’utilisation des énergies fossiles et thermiques. C’est ainsi qu’une équipe de l’École polytechnique fédérale de Lausanne a conçu une batterie capable de stocker l’électricité des énergies renouvelables. Un entrepreneur allemand, de son côté, a eu l’idée de transformer les déchets et le fumier en biogaz transportable. Une idée de génie qui permet de réduire l’utilisation du bois et du charbon dans les pays en développement.
Comment stocker l’énergie renouvelable C’est l’un des grands défis de la transition énergétique. Une équipe de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) travaille depuis quatre ans au développement et à la construction d’un système de stockage. Installé en ville, il permettrait d’emmagasiner l’énergie en cas de surplus de production et de la restituer lors des pics de consommation. «Un container pourrait approvisionner une centaine de ménages en électricité», imagine le professeur Hubert Girault, dont le laboratoire d’électrochimie physique et analytique a conçu un prototype, installé à Martigny, en Valais, depuis le printemps 2014.
«Actuellement, la seule énergie renouvelable stockable en grande quantité est l’énergie hydraulique. Cela se fait par le pompage-turbinage, rappelle Heron Vrubel, docteur en électrochimie et manager du site de Martigny. Le soleil et le vent sont des sources d’énergie intermittentes. Ces variations de production ont un effet sur le réseau. Lorsque l’on produit davantage que ce que l’on consomme, on risque de surcharger le réseau et de provoquer un blackout. Notre projet consiste à fabriquer une pile capable de stocker l’énergie solaire et éolienne, afin de réguler le réseau et de jouer un rôle tampon entre production et consommation.»
Stocker l’énergie renouvelable dans des batteries, cela se fait déjà. Mais la technique rencontre des limites, liées à l’encombrement, au prix et à la durée de vie des piles. La thèse de Véronique Amstutz, membre de l’équipe, repose sur l’idée de fabriquer une nouvelle forme de batterie, dont la capacité serait augmentée. «Le point de départ consistait à utiliser une batterie redox», explique la doctorante de 29 ans. Ces batteries, développées par la NASA dans les années 70 et commercialisées aujourd’hui dans l’industrie, stockent l’énergie sous une forme liquide.
La batterie se compose d’une solution, mélange de sel de vanadium (un métal) et d’eau, qui permet de stocker de l’énergie. «J’ai pensé que l’on pourrait utiliser cette énergie pour produire de l’hydrogène», indique Véronique Amstutz. C’est toute l’originalité du projet: en faisant passer la solution de vanadium dans une poudre, une réaction chimique produit de l’hydrogène. Cette production d’hydrogène ôte son énergie au liquide, qui revient donc déchargé dans la batterie. «Ce procédé augmente la capacité de la pile, qui présente bien d’autres avantages: peu chère, elle dure plus longtemps qu’une batterie au lithium et comporte moins de dangers.»
Le prototype installé à Martigny offre une puissance de 10 kW et une capacité de
40 kWh. C’est encore modeste, mais l’équipe de l’EPFL travaille sur une deuxième batterie de 200 kW, qui pourrait alimenter une trentaine d’appartements, selon Heron Vrubel. «Pour autant que l’immeuble soit équipé de panneaux solaires, bien isolé et ventilé, cette batterie pourrait le rendre indépendant dans sa production et dans sa consommation d’énergie.»
Startup
Désormais, l’objectif consiste à changer de dimension, non pas en fabriquant des batteries de plus grande capacité, mais en produisant à large échelle des modules de 100 kW, qui s’assembleraient à volonté selon la capacité nécessaire. À terme, le laboratoire du professeur Girault imagine que l’on pourrait disposer des containers en ville, dans le sous-sol des immeubles, par exemple. Les chercheurs en sont conscients: ce n’est pas pour tout de suite. Il faudrait, d’une part, se montrer beaucoup plus ambitieux dans la construction écologique de logements et, d’autre part, développer l’installation de panneaux solaires et d’éoliennes.
En attendant, le projet de l’EPFL doit encore s’améliorer. Avec ses deux mètres de large, quatre de long et 2,5 de haut, le prototype de Martigny occupe un volume impressionnant. «C’est le point négatif, admet Heron Vrubel. Il faut beaucoup d’eau pour constituer la solution de vanadium. Cela prend de la place. Mais la production d’hydrogène permet de réduire la taille de la batterie et d’améliorer sa performance par rapport à une batterie redox classique.» Malgré cet inconvénient, l’équipe est convaincue de tenir entre ses mains «une solution d’avenir».
Comment situer ce programme parmi les recherches menées dans d’autres universités sur le même thème «C’est un projet innovateur qui complète bien l’intérêt grandissant pour la recherche sur les batteries redox, estime Véronique Amstutz. D’autres moyens de stockage des énergies renouvelables sont étudiés, comme le stockage sous forme d’air comprimé ou les batteries sodium-sulfure, chaque technologie étant associée à des applications différentes, selon sa capacité et sa puissance.»
La prochaine étape Convaincre les distributeurs d’énergie d’investir dans ce projet. C’est presque fait: la thèse de Véronique Amstutz a été financée par EOS Holding. Cette société, qui regroupe les principales entreprises électriques romandes, vise à promouvoir les énergies renouvelables. Des discussions sont en cours avec plusieurs partenaires pour financer une startup autour de son idée.
Sophie Davaris (Tribune de Genève)