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Recyclcage – Des déchets transformés en gaz à transporter

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Belete Tura s’arrime sur le dos un sac imposant mais léger, avant de se mettre en route pour l’installation à biogaz, située non loin de là, à Arsi Negele, dans le centre de la vallée du Rift, en éthiopie. Le sac à dos ressemble à un énorme oreiller, moitié moins haut qu’elle, presque quatre fois plus large. Quand la jeune femme descend la piste poussiéreuse dans la clarté du petit matin, les passants lancent des regards interrogateurs à son étrange fardeau.
Ce qu’ils ne savent pas, c’est que Belete Tura participe à un programme pionnier qui lui permet de se procurer de l’énergie propre à un prix abordable. Son sac à biogaz, ou (B)pack, est une création de (B)energy, une entreprise à vocation sociale basée en Allemagne. Son but est de fournir aux populations rurales pauvres des solutions pour transformer leurs déchets organiques, comme le fumier ou les déchets de cuisine, en énergie.
Avant, Belete Tura passait plusieurs heures par jour à ramasser du bois, dont elle se servait comme combustible, comme des millions de personnes dans les pays en  développement. Mais alors que la demande en bois entraîne une déforestation inquiétante, la combustion du bois et du charbon dans les habitations multiplie les problèmes respiratoires. Pointant du doigt le plafond de sa cuisine noirci de fumée au fil des ans, Belete Tura s’interroge : « Si mon plafond est comme ça, je me demande à quoi ressemblent mes poumons. »
La fondatrice de (B)energy, Katrin Puetz, est ingénieure agronome. C’est pendant ses études qu’elle a compris que le biogaz pouvait constituer une source d’énergie propre, renouvelable et bon marché : le crottin d’une chèvre mélangé à des déchets de cuisine et à des eaux usées produit suffisamment de gaz pour pourvoir aux besoins en énergie de trois personnes pendant une journée.
Mais elle s’est aussi vite rendu compte qu’il fallait revoir la façon dont est produit le biogaz avant de pouvoir en faire profiter à grande échelle les populations rurales pauvres. Car les technologies d’alors étaient onéreuses et fixes. Pire, précise Katrin Puetz, « il n’existait aucune solution pour qu’une famille puisse gagner de l’argent en vendant du biogaz ».
Pendant qu’elle travaillait à son mémoire de master, en Allemagne, Katrin Puetz a conçu une gamme de produits, à taille réduite et à prix abordable, destinés à l’utilisation du biogaz. Puis, après trois années de recherches en Allemagne et en Ethiopie, elle a fondé (B)energy avec l’argent qu’elle avait mis de côté.
La (B)plant est un digesteur dans lequel un mélange de déchets organiques (fumier, déchets de cuisine, résidus agricoles) et de liquides (eaux usées, urine) se décompose en milieu anaérobie pour donner du biogaz, principalement du méthane et du dioxyde de carbone. Ce digesteur existe en plusieurs tailles. Le plus petit, dont le prix avoisine 200 euros, peut produire 2,5 m3 de gaz par jour, ce qui permet par exemple de cuire des aliments pendant huit heures.

Pas de retour en arrière
Pour le transport et le stockage, Katrin Puetz a conçu le (B)pack. Ce sac léger se gonfle automatiquement quand on le branche avec un tuyau sur une (B)plant. Sa valve permet ensuite de le connecter à un réchaud. Et il ne reste plus qu’à appuyer dessus avec un objet lourd, une planche en bois ou une grosse pierre par exemple, pour que le biogaz en ressorte. Un (B)pack coûte environ 45 euros et pèse moins de 5 kg une fois plein.
Il a beau avoir des airs de mini-montgolfière, il ne présente aucun risque d’explosion, assure l’ingénieure : le B(pack) n’est pas pressurisé. Et si jamais le matériau ultra-résistant dont il est constitué prenait feu, la fuite de gaz ne produirait qu’une flamme infime : il faut mélanger le biogaz à l’air pour qu’il soit inflammable.
Côté distribution, Katrin Puetz est convaincue que le seul modèle durable est celui d’un secteur privé constitué de petites entreprises.
« Quand vous ne permettez pas aux gens de gagner de l’argent en produisant de l’énergie et en la vendant, ils restent entièrement dépendants des aides au développement. »
« Si vous disposez de fumier, d’eaux usées et d’un peu d’argent, vous pouvez sortir de la pauvreté en devenant (B)entrepreneur et en vendant du biogaz. » Il est également possible d’investir, seul ou en groupe, dans un digesteur plus grand qui produit 5,5 m3 de biogaz par jour. Le surplus d’énergie peut ensuite être vendu à n’importe quel acheteur équipé d’un (B)pack, lequel peut contenir de quoi cuisiner pendant quatre heures.
En Ethiopie, Yodit Balcha, la première personne franchisée (B)Energy, a mis en place une installation à biogaz et propose des produits (B)energy sur le marché local. « C’est une affaire intéressante, se félicite-t-elle. En même temps, cela aide les gens de mon pays à trouver une solution aux problèmes énergétiques. »
(B)energy est désormais présente au Chili aussi et devrait petit à petit gagner du terrain dans les pays en développement. Pour les utilisateurs convertis au biogaz, il n’y a pas de retour en arrière possible. Belete Tura ne passe plus qu’une heure par jour à cuisiner, contre trois auparavant. Et elle économise l’équivalent de 10 euros par mois sur sa facture d’énergie, une somme considérable en Ethiopie, où le salaire mensuel moyen est à peine quatre fois supérieur à cette somme. Dans l’ensemble, la jeune femme apprécie ce nouveau système pour ses avantages pour la santé, les économies qu’elle réalise et la dimension sociale de l’entreprise, mais plus que tout, souligne-t-elle, « cela [lui] simplifie la vie ».

Matthew Newsome (Sparknews)


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