Cela fait vingt ans qu’on lève les yeux sur la haute ville en n’apercevant que ce squelette de pierre de Manjakamiadana, vingt ans qu’on se demande toujours pour quelle raison on a détruit un tel patrimoine, vingt ans qu’on espère revoir ce palais renaître de ses cendres. Un peu d’histoire pour se rendre compte à quel point ce monument est d’une importance capitale pour l’identité culturelle du pays et tout particulièrement pour la Ville des Mille.
L’histoire du Rova d’Antananarivo s’étale sur quelques siècles. Quatre cents ans plus précisément. L’origine de ce Rova vient de la conquête de l’actuelle capitale de Madagascar par le Roi Andrianjaka au cours d’un règne de deux décennies seulement, entre 1610 et 1630. À cette époque, le monarque a investi la plus haute colline de l’Imerina. La Ville des Mille s’est ainsi développée autour de ce Rova, en commençant par de petites maisons construites en bois et en joncs et recouvertes de toits de chaume. L’enceinte du Rova était alors le lieu d’installation des cases royales avec les mêmes structures que les habitations du petit peuple, à la seule différence que les premières étaient beaucoup plus spacieuses et étaient d’une hauteur un peu plus conséquente, à l’image du palais « Besakana » construit en 1796.
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Les travaux intérieurs de restauration restent basiques.
La structure architecturale du Rova d’Antananarivo se verra ainsi transformée au fil du temps et des successions des rois et reines. Chaque monarque imposa sa signature propre, par des transformations simples sur les anciens bâtiments et allant même jusqu’à la construction de nouveaux édifices au détriment des anciens. On notera tout particulièrement la contribution de Radama Ier, en 1810, avec l’application des réformes politiques, mais aussi et surtout la construction du « Tranovola », ou palais d’argent, dont il a laissé le soin de la conception et de la réalisation à un Français du nom de Louis Gros. Après Radama,
succéda une reine en la personne de Ranavalona Ière qui procéda à l’agrandissement du Rova tout en expulsant tous les Européens sauf l’ingénieur Jean Laborde. Ce dernier eut ainsi le privilège de rester sur le territoire malgache pour une seule et unique raison : la construction de la première version de Manjakamiadana. Ce palais se démarque de toutes les autres constructions dans l’enceinte du Rova par sa taille imposante et sa somptuosité. Par la même occasion, la Reine ordonna la destruction et le remplacement du premier « Tranovola » par une bâtisse un peu plus importante en termes de taille et de confort. Enfin, la dernière reine de Madagascar, Ranavalona III, demanda à l’architecte Rigaud de lui construire le palais « Masoandro ». Une construction qu’elle ne verra jamais achevée et dont les fondations sont toujours visibles dans la partie sud-ouest du Rova actuel.
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La salle du trône du temps de sa splendeur.
Après le règne de l’intraitable (selon l’histoire) de la première Ranavalona, sa nièce lui succéda sur le trône. Cette dernière, s’étant convertie au christianisme, a pris la décision de procéder à la construction du temple de pierre visible encore actuellement. Pour ce faire, il lui a fallu lever l’interdit sur l’habitat. Afin d’illustrer le travail colossal qu’il a fallu pour ce palais en pierre, un peu plus de 65 000 pierres de taille ont été commandées auprès du peuple par la Reine.
Modernité
Le règne de Ranavalona II était donc le symbole d’une grande transformation sur les constructions, les traditions ainsi que les manières de penser. Cette transformation se voyait, tant sur le plan technique que sur le plan culturel. Le passage du bois à la pierre commença sur les hauteurs d’Iarivo. Ce fut ainsi une transition significative entre tradition et modernité, à l’époque.
Étant une grande monarque qui se respecte, Ranavalona II a voulu également se construire un palais à son image. Mais suivant les conseils de ses proches ainsi qu’après le constat de la détérioration de la première version de Manjakamiadana, la Reine opta pour un nouveau projet. C’est ainsi que ce palais majestueux en bois fut recouvert de blocs de pierre. Le projet était sous la direction de l’architecte James Cameron qui respecta scrupuleusement les traditions en commençant les travaux de renforcement du côté nord-est. Malgré un gros effort pour garder la même structure que le palais en bois de la part de l’architecte, l’entreprise s’avère impossible. Ainsi, seul le toit en double pente du nouveau palais rappelle l’ancien Manjakamiadana.
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L’intérieur du temple entièrement restauré.
L’année fatidique de 1895 fut marquée par le bombardement du Rova d’Antananarivo par les canonniers français. Une fois qu’un des obus a atteint Manjakamiadana, le royaume malgache rendit les armes. Dès lors, la dernière reine de Madagascar fut envoyée en exil et deux ans après. Le Général Gallieni fit de ce palais un musée public. Par la même occasion, Manjakamiadana accueillit en son sein, l’école Le Myre de Vilers, justement dans le hall du rez-de-chaussée qui fut autrefois la salle du trône. Dès lors, le palais de Manjakamiadana devint salle d’exposition d’œuvres d’art et d’objets scientifiques. On y exposa, entre autres, des collections de l’Académie malgache comme des spécimens de reptiles rares, de poissons, de fossiles, etc. Le conservateur du musée de l’époque, Jully Anthony, a tout de même réussi à regrouper certains mobiliers, costumes, lamba, étendards ou autres filanjana dans la salle du premier étage. Tandis que le deuxième étage du bâtiment était dédié à la salle des beaux-arts et se concentrait plutôt sur une thématique coloniale, telles que des toiles d’artistes
français.
Harilalaina Rakotobe