Les scientifiques malgaches doivent résoudre une sérieuse équation dans leurs travaux. Ils ont à trouver des solutions aux maux qui minent la société à travers le peu de ressources dont ils disposent.
Recherche rime avec développement. C’est le défi lancé par les chercheurs en exposant les fruits de leurs travaux sur l’esplanade d’Ankatso. C’était la semaine dernière. Il ne faut pas toutefois s’attendre à de « grandes » innovations. Les chercheurs semblent en quête de réponses pratiques face aux problèmes quotidiens des Malgaches. Pour la faculté de Médecine, les recherches en cours s’orientent davantage vers le paludisme, telles « L’étude d’évaluation des effets indésirables des antipaludiques en milieu hospitalier à Madagascar » ou
« L’étude de la pertinence du traitement préventif intermittent chez la femme enceinte dans les zones à basse transmission du paludisme ».
La maladie reste ainsi au cœur de l’actualité. Selon la direction du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) l’épidémie fait encore des ravages. « Entre le mois de janvier et la fin du mois de mai de cette année, l’épidémie de paludisme a frappé 212 923 personnes. Cent quatre-vingt sept décès sont enregistrés dans les formations sanitaires du pays. Et trente-et-un districts ont vu leur taux de positivité augmenter, durant la saison épidémiologique », a indiqué la direction du PNLP.
Toutefois, la recherche ne dépend pas toujours des besoins du pays. Faute du soutien de l’État, les chercheurs doivent se plier aux humeurs des bailleurs de fonds. Alors que la peste ne menace pas les seuls habitants, mais également l’économie du pays, à en juger les témoignages des opérateurs touristiques, les recherches pour endiguer ce fléau restent timides à l’exception de celle menée par l’Institut Pasteur de Madagascar. Aussi, n’est-il pas étonnant de constater de multitudes recherches relatives à l’environnement et au changement climatique lors du Salon de la recherche.
« C’est le thème qui intéresse les bailleurs aujourd’hui dans les pays en voie de développement », regrette Ruffin Manasina de l’École doctorale de Physique et applications. De l’École à l’École supérieure polytechnique d’Antananarivo en passant par la faculté des Lettres et sciences humaines, à la faculté de Droit, économie, gestion et sociologie ainsi que la faculté des Sciences, les travaux de recherches sur cette thématique occupent une place importante dans l’exposition. C’est sans doute pourquoi Patrice Rouen, un opérateur économique dans le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication, est un peu déçu. « J’avais espéré qu’il y aurait des recherches sur la bioinformatique, mais les étudiants m’ont indiqué qu’il n’y a pas assez d’équipements pour développer ce projet dans leur école », déplore-t-il.
Une semaine consacrée à la science en Indianocéanie
Pour la première fois, la Commission de l’océan Indien organise une semaine autour de la Science en Indianocéanie. Du 26 au 30 octobre, épidémiologistes, médecins et vétérinaires, chercheurs et universitaires, agronomes, entrepreneurs et urbanistes se réuniront à l’hôtel Intercontinental de Balaclava à Maurice autour de deux événements qui mettront à l’honneur « la science, l’innovation et la technologie comme vecteurs de développement ». Quelques chercheurs malgaches y prendront part, à savoir Henriette Ratsimbazafimahefa Rahantalalao, présidente du conseil d’établissement de la faculté de Médecine d’Antananarivo, vice-doyenne chargée des Sciences et médecine vétérinaires et experte auprès de l’OMS. Elle épluchera le thème « Des nouvelles technologies pour l’amélioration de la qualité des soins en Indianocéanie ». Harinjaka Andriankoto Ratozamanana, directeur général de Habaka Madagascar Innovation Hub, participera à la table-ronde sur les grands enjeux scientifiques et technologiques de l’Indianoceanie.
Solution à moyen terme – Un fonds national de la recherche à mettre en place
Dans la politique générale de l’État, en mai 2014, la finalisation et l’officialisation de la stratégie nationale de la recherche sont considérées comme un défi à relever pour renforcer le système éducatif et la formation professionnelle. La stratégie nationale élaborée en 2013 vise à donner un environnement favorable aux chercheurs. Car la recherche, explique le document, est faiblement soutenue, politiquement et financièrement, au cours de toutes ces dernières années. « Les dépenses publiques dans l’enseignement supérieur et la recherche représentaient 13 % du budget de l’ensemble du secteur éducatif en 2012, soit moins de 0,3 % du Produit intérieur brut », indique toujours le document.
Cette situation place Madagascar dans les pays qui consacrent une très faible part de leurs ressources dans l’enseignement supérieur. Les ressources publiques consacrées aux centres nationaux de recherche sous tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique ne représentent également qu’environ 0,04 % du budget de l’État en 2012. Les propositions du plan d’actions de Lagos, en 1980, réaffirmées en janvier 2007, durant le Sommet de l’Union Africaine, demandent pourtant «instamment à tous les pays de consacrer, d’ici à 2020, au moins 1 % de leur produit intérieur brut à la recherche et au développement».
Des solutions sont avancées pour financer les centres de recherches comme la mise en place d’un fonds national de la recherche. Ce fonds doit être envisagé comme une solution viable à moyen et à long termes. « Celui-ci appelle le concours de plusieurs secteurs intéressés qui contribuent dans une sorte de «basket fund» où l’État, les partenaires nationaux et internationaux, le secteur privé, les autres utilisateurs du potentiel et des produits de la recherche participent selon la stratégie nationale de la recherche. »
Pour promouvoir les travaux de recherche, des efforts importants de communication intensive ont été également prévus. « La valorisation des résultats de la recherche et de l’innovation nécessite le renforcement et la promotion des structures nationales d’édition et de publication », reconnait le document national.
Six thèmes prioritaires sont définis dans la stratégie nationale, entre autres, la recherche citoyenne, la recherche balisée par une stratégie de diagnostic et ayant une capacité de réponse, la recherche soucieuse de l’environnement qui considère la dimension humaine, la recherche adaptée au contexte qui prévaut et qui contribue à la réduction de la pauvreté, la recherche qui priorise l’approche genre, la recherche ancrée dans les priorités du développement national et inscrite dans une perspective de développement durable.
Selon une source au sein du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, la concrétisation de cette stratégie est en cours. « Il faut néanmoins beaucoup de volonté politique et de volonté des enseignants et étudiants des universités pour mettre sur pied ce programme. Si nous passons notre temps à résoudre les revendications incessantes, nous n’arriverons pas à relever ces beaux défis », interpelle le haut responsable.