Comment trouver un boulot Comment gagner des revenus Comment monter une entreprise avec les compétences que l’on a Autant de questions que de nombreux jeunes, ici comme ailleurs, se posent. Anna Elliot, une étudiante américaine, a décidé d’utiliser la télévision pour apporter les réponses à ces questions. C’est ainsi que sont lancées en Afghanistan et en Egypte des émissions de téléréalité, mettant en concurrence des entrepreneurs avec des projets et ayant des impacts sociaux. En Algérie, les réponses à ces questions sont données aux jeunes à travers le Centre algérien pour l’entrepreneuriat social, à l’initiative d’un groupe de jeunes étudiants.
Les émissions de téléréalité semblent parfois rivaliser d’efforts pour décrocher la palme du pire. Une Américaine tente d’inverser la tendance avec un nouveau concept dont le but est de créer un impact social durable après l’extinction des caméras.
Anna Elliot, une étudiante de 30 ans, s’est rendue comme bénévole en Afghanistan, à la fin des années 2000. C’est là-bas qu’elle a eu l’idée de créer sa startup, Bamyan Media, alors que ses amies afghanes ne savaient pas comment joindre les deux bouts dans ce pays fraîchement libéré des talibans et que la première émission de téléréalité afghane subjuguait la population.
Son groupe de théâtre arrêtait toujours les répétitions à temps pour regarder Afghan Star, la version locale de la Nouvelle Star.
« Je me suis rendue compte que c’était un programme extrêmement puissant et qu’une foule de personnes finissaient leur journée plus tôt pour pouvoir le regarder », se souvient-elle.
« Je me suis demandé comment utiliser la télévision pour apporter des solutions aux problèmes des Afghans. Comment trouver un boulot ? Comment gagner des revenus ? Comment monter une entreprise avec les compétences que l’on a ? »
En 2008, Anna Elliot a participé au lancement de la première saison de « Dream and Achieve », qui opposait plusieurs entrepreneurs afghans, avec à la clé une récompense en espèces sonnantes et trébuchantes. L’émission a fait un tabac. Et quand Anna Elliot est rentrée aux Etats-Unis en 2009, elle avait la tête pleine d’idées. C’est à ce moment-là qu’elle a lancé le projet de Bamyan Media, une startup qui travaille en partenariat avec des maisons de production locales pour concevoir des émissions de téléréalité qui ont un impact social.
Bamyan Media a vu le jour avec le soutien d’Ashoka, Echoing Green et de l’Agence américaine pour le développement international (USAID).
En 2012, Anna Elliot est allée en Egypte préparer sa toute première émission, d’après un concept similaire à celui de Dream and Achieve. Son but était de surfer sur la vague de créations d’entreprises née après la révolution de 2011.
« Nous voulions profiter de l’élan de ce moment historique : tous ces jeunes ont vu le pouvoir que l’on a quand on est uni, quand on a atteint un objectif que l’on croyait impossible. »
« El Mashrou3 »
Elle note que si l’Egypte possède une classe d’entrepreneurs en pleine santé, ce sont généralement des personnes issues des couches les plus riches et les plus instruites de la population. Elle voulait toucher un public, allant du jeune sorti d’un lycée public lambda au gamin qui vend des produits à base d’huile d’olive dans le Sinaï, en passant par le jeune adulte qui ne trouve pas d’emploi proposé par le gouvernement dont rêveraient ses parents. Rappelons que selon les chiffres de la Banque mondiale, le taux de chômage chez les 15-24 ans frôlait la barre des 40 % en 2014.
El Mashrou3, qui signifie « Le projet » en arabe, est à mi-chemin entre des émissions de téléréalité comme The Apprentice et Dragons’ Den, et le réseau visant à expliquer aux Egyptiens comment fonder et exploiter une entreprise.
Diffusée à partir de décembre 2013 sur la chaîne Al Nahar, la première saison de treize épisodes a rassemblé quatorze concurrents sélectionnés parmi plus d’un millier de candidats. Les participants ont été soumis à des défis individuels et collectifs : fabriquer des produits à partir du contenu de poubelles du Caire et les vendre à des magasins de meubles, ou encore se retrouver dans la peau de vendeurs de rue de jus de fruits.
La gagnante est Tina Boules, une pharmacienne de 26 ans, et sa startup Taqa Solutions, qui aide les éleveurs de volailles, les boulangeries et les hôtels à produire du biogaz et à l’utiliser. Elle a remporté un prix de 350 000 livres égyptiennes, soit près de 50 000 dollars, et son projet est passé d’une vague idée au début de l’émission à un programme-pilote et des négociations en cours avec une entreprise en Inde.
Mais d’autres concurrents ont également fait des vagues. Omneya ElKady aussi est arrivée dans cette émission avec rien de plus qu’un rêve. Aujourd’hui, grâce à un financement de départ fourni par Bamyan Media, elle développe des technologies de recyclage des déchets agricoles et d’exploitation du biogaz. Et elle est en contact avec le gouvernement kényan pour vendre ses installations de recyclage de déchets verts.
Réseaux d’échanges
Asim Haneef, le directeur mondial du développement de Bamyan Media, un ancien journaliste britannique, s’enthousiasme de ce que les concurrents soient devenus des modèles et des « mini-célébrités ».
« C’était fou de voir les gens pleurer quand l’un des grands perdants de l’émission, le vendeur de T-shirts Mido, s’est effondré à l’approche de la demi-finale alors qu’il était arrivé premier jusque-là, contre toute attente», se souvient-il.
« L’émission a fini par battre l’audience de Dancing with the Stars – Ce qui montre que, si elle est suffisamment drôle et passionnante, les gens allument leur télé pour regarder une émission sur des startup et des jeunes qui réalisent leurs rêves grâce à leurs talents professionnels. »
Mais le réel intérêt de ce concept, c’est de promouvoir l’esprit d’entreprise auprès d’un large public. Un an avant sa diffusion sur le petit écran, Bamyan Media est partie à la recherche de candidats dans des villes de province, notamment à Alexandrie et à Mansourah, où les réseaux de développement d’entreprises basées au Caire ont peu d’influence. Cette tournée, elle, a eu un impact.
Anna Elliot raconte que plusieurs groupes de personnes qui avaient envie de monter leur entreprise ont fondé des réseaux d’échange de compétences : « En gros, je crée ton site Internet si tu me donnes dix heures de conseil en communication. »
Reste que l’Égypte n’est pas le paradis des entrepreneurs, qu’ils soient locaux ou étrangers : la bureaucratie est opaque et l’Etat ne soutient pas les petites entreprises. Anna Elliot et Asim Haneef disent qu’ils ont beaucoup appris sur ces points et qu’ils vont adapter leur émission en conséquence. A présent, ils essaient de réunir les financements d’entreprises sponsors pour lancer une deuxième saison. Et ils ont un tas d’autres idées, comme exporter El Mashrou3 vers d’autres pays et concevoir de nouvelles émissions. Bientôt sur les écrans égyptiens : The Real Maids of Cairo.
Rachel Williamson (Sparknews)