Par quoi remplacer les sachets plastiques qui nous ont facilité la vie depuis plusieurs années En Ouganda, un étudiant a pensé créer des emballages en papier à partir de tiges de banane. Écologiques mais aussi solides, les sacs ont vite séduit les consommateurs ougandais, surtout depuis que Kampala a aussi décidé d’interdire l’utilisation des sacs en plastique de moins de 30 microns d’épaisseur.
Vous n’avez pas besoin de sillonner tout le pays pour les voir par terre, noirs, verts clairs, tachés, ils peuvent facilement se fondre dans le paysage. Pourtant, ce sont des sacs plastiques, un grand ennemi de l’environnement. Ce déchet non biodégradable prend 400 ans pour se décomposer et étouffe la terre, bloque la filtration et la percolation de l’eau, mettant ainsi en péril la fertilité du sol.
Et ce n’est pas tout. Les sacs en plastique, communément appelés Kaveera en Ouganda, bloquent également les cours d’eau provoquant parfois des inondations et créant des fossés de reproduction pour les moustiques. Avec plus de 39 600 tonnes de déchets de plastique rejetés dans l’environnement, les Ougandais doivent faire face à l’invasion des sacs en plastique.
Mais, un étudiant de 23 ans en science et technologie du bois, à Makerere University, refuse cette fatalité. Et s’il était possible de fabriquer des emballages plus écologiques pour remplacer les sacs en plastique Voilà l’hypothèse à laquelle réfléchissait Godfrey Atuheire pendant un certain temps, avant de trouver l’opportunité d’en faire une réalité !
C’était en 2006 lorsqu’il travaillait sur son projet à l’Institut ougandais de recherche industrielle (UIRI). Il s’est rendu compte que du papier fabriqué à partir de tiges de banane sera sa solution. Il fabriquera son papier de la manière la plus écologique possible en utilisant des fibres de banane disponibles en abondance en Ouganda.
Un stage à l’UIRI après le diplôme nourrira sa soif de connaissances pour la fabrication des sacs en papier. C’était à ce moment là qu’il a commencé à fabriquer des sacs en papier à partir de tiges de banane dans sa maison à Kinawataka, une banlieue de Kampala, avant de déménager à son actuel site d’opération à Kireka.
« D’habitude, je m’approvisionne en tiges de banane gratuitement dans des marchés publics où elles sont facilement disponibles après élimination. Il est préférable d’utiliser des tiges exempts de maladie », affirme Atuheire.
Il a choisi les tiges pour fabriquer les sacs en papier parce que celles-ci disposent de fibres de longueur souhaitée, et elles sont riches en lignine et en cellulose par rapport à d’autres alternatives comme les sisals, les jacinthes d’eau et les papyrus. Voilà l’essentiel qu’il faut pour fabriquer un sac en papier durable et facile à plier.
De la banane en papier
La fibre utilisée pour fabriquer le papier est extraite de la tige de banane dépourvue de partie souple. Pour cela, Atuheire utilise une machine, l’extracteur qu’il a acheté de l’UIRI à trois millions de shillings (1 000 dollars). La fibre extraite est lavée, coupée en petits morceaux, chauffée dans des pots pendant trois heures puis refroidie. C’est ce produit chauffé qui est mélangé avec de l’eau avant d’être introduit dans une machine de dépulpage qui bat et écrase la solution en pulpe pour donner un mélange ayant l’apparence d’une bouillie. Normalement, on ajoute de l’amidon pour créer un papier résistant à l’eau. On peut également colorer le papier.
« Il faut ensuite enlever la pulpe en utilisant un filet à lancer, puis nous la laissons sécher au soleil. Le matériel séché devient alors du papier. Normalement, il est rugueux donc, nous le faisons passer par une machine de lissage pour avoir des surfaces lisses. Nous pouvons, désormais, façonner et dessiner les sacs en papier », explique Atuheire.
Les sacs fabriqués sont solides et ne peuvent pas se déchirer facilement. Ce sont des matériaux d’emballage solides, et ils sont également colorés. Des slogans et designs personnalisés peuvent y être inscrits pour les clients qui le souhaitent, ce qui intéresse beaucoup d’utilisateurs..
Shamim Ndikwani, 25 ans, résidente de Namasuba, une banlieue de Kampala salue l’introduction des sacs en papier, du fait de leur nature écologique mais aussi de leurs couleurs.
« J’ai entendu parler de ces sacs bons pour l’environnement. Mais ce que j’aime le plus c’est qu’ils sont jolis grâce aux couleurs et au design. En plus, ces sacs sont plus durables que les kaveera et sont beaucoup plus faciles à apporter. Le seul inconvénient, c’est leur prix. Oh, comme j’aurais souhaité qu’ils soient bon marché », déclare Ndikwani qui partage son expérience à propos des sacs en papier.
Mais les sacs en papier ne sont pas que jolis comme l’affirme Atuheire, « les sacs en papier sont tout ce que les sacs en plastique ne le sont pas. Ils sont entièrement biologiques par conséquent, ils pourrissent très facilement après élimination, ce qui les rend écologiques. »
Frank Muramuzi, directeur exécutif de l’association des professionnels en matière d’environnement (NAPE), affirme que la fabrication des sacs en papier est une solution aux problèmes touchant depuis longtemps l’environnement en Ouganda. Il salue les efforts d’Atuheire et des autres personnes engagées dans la fabrication des sacs en papier.
Argent et emplois
Encore tout récemment, Atuheire recrutait six personnes et produisait entre 150 et 200 sacs en papier par jour. Cependant, après l’interdiction, le 15 avril dernier, par l’autorité en charge de la gestion de l’environnement (NEMA), de l’utilisation des sacs en plastique de moins de 30 microns, la production chez Atuheire a grimpé en flèche afin de satisfaire l’énorme demande pour les sacs en papier.
« Aujourd’hui, j’emploie 28 personnes et chaque jour, je produis plus de 3 800 sacs en papier que je vends pour un prix allant de 200 shillings (20 cents US) à plus de 3 000 shillings (1 dollar US), en fonction de la taille et du design du sac. »
Atuheire prévoit de doubler la production dans un futur proche car le marché pour les sacs en papier est énorme. Initialement, même avec un niveau minimum de production, il vendait déjà près de la moitié de ses produits au Rwanda, où l’utilisation des sacs en plastique est totalement interdite. La situation a depuis lors changé comme il n’y a plus de stock pour l’exportation. Il demeure persuadé que cette industrie pourrait apporter la réponse à la question du chômage des jeunes, et il joue déjà son rôle en formant des groupes de jeunes sur ce métier
Mathias Wandera (The Monitor – Ouganda)
Ces reportages (dont de courts extraits ont été publiés dans notre supplément du 20 juin dernier) font partie d’une centaine d’autres histoires publiées et écrites à l’occasion de l’Impact Journalism Day 2015 auquel L’Express de Madagascar, aux côtés d’une cinquantaine d’autres journaux de référence dans le monde, a participé le 20 juin dernier.
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