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Bemiray –« Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière »

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Bemiray de Tom Andriamanoro de cette semaine évoque le rouleau compresseur chinois dans les domaines des investissements et du commerce internationaux : c’est la mise en application de l’adage (chinois  ) « Qu’importe la couleur du chat, pourvu qu’il attrape les souris ». La célébration de Pâques incite à s’interroger du rôle que Judas a vraiment tenu parmi les disciples de Jésus. Enfin, rien de nouveau sous le soleil, à Madagascar en particulier, au sujet des vindictes populaires : cette pratique condamnable existait déjà dans les années antérieures.

Un gigantesque chantier de la compagnie d’électricité chinoise State Grid.

Un gigantesque chantier de la compagnie d’électricité chinoise State Grid.

Onde – Heure chinoise et temps universel

Certaines questions ne valent même plus la peine qu’on se les pose, tellement elles sont devenues des évidences. Il n’y a par exemple plus à se demander comment échapper à la boulimie des Chinois, quand c’est désormais la ligne d’horizon, qui s’éloigne à mesure qu’on croit s’en rapprocher, qui est la limite de leur rizière. Fortes de leurs milliards, les entreprises chinoises investissent le monde entier, et pas seulement dans les BTP et les matières premières. Tous les secteurs sont passés à l’heure CMT comme Chinese Mean Time…
Le géant chinois de l’électricité State Grid a annoncé sans rire en mars 2016, son ambition de créer un réseau mondial d’électricité, avec des investissements de quelque 50 milliards de dollars d’ici 2050. State Grid est incontestablement le numéro Un mondial dans sa spécialité, avec 1,5 million d’employés et un chiffre d’affaires annuel de 340 milliards de dollars. Présent depuis six ans au Brésil, il a l’intention de faire de ce pays un tremplin pour conquérir le monde. D’acquisitions en acquisitions, il y possède actuellement 7 000 km de lignes de transmission opérationnelles, et  6 600 km en construction. Et le jour, qui ne fait plus aucun doute, où il mettra la main sur la totalité du capital de la CPFL distributrice de l’électricité de l’État de Sao Paulo, il aura réalisé le rachat le plus important de l’histoire du secteur électrique du Brésil. Mais State Grid a toujours une place pour ses compatriotes. C’est ainsi que la China Three Gorges, qui gère la plus grande  centrale hydraulique du monde, est devenue le deuxième producteur privé d’électricité au Brésil.
Sur le continent africain, 2014 a été déclarée « Année de l’Afrique du Sud en Chine », suivie en 2015 par « l’Année de la Chine en Afrique du Sud ». Le grand amour, surtout que l’ANC se targue d’une proximité idéologique avec le Parti communiste chinois qualifié d’exemple à suivre, et que la Chine est le plus gros partenaire commercial de l’Afrique du Sud depuis 2010. L’heure étant aux engagements internationaux multiples, il serait néanmoins malvenu de la part des partenaires occidentaux d’en prendre ombrage. Ne dit-on pas que personne ne tient mieux un langage de gauche avec un comportement de droite que les Chinois !

Après la rencontre entre les Présidents Xi Jinping et Hery Rajaonarimampianina, le 27 mars dernier, Madagascar intégrera la « Ceinture économique de la Route de la Soie ».

Après la rencontre entre les Présidents Xi Jinping et Hery Rajaonarimampianina, le 27 mars dernier, Madagascar intégrera la « Ceinture économique de la Route de la Soie ».

Investisseurs
L’intégration de la Chine dans le système du marché mondial, la confirmation dans la société chinoise de la place prise par une classe aisée attirée par la consommation, la véritable razzia chinoise sur les produits de base en dehors de ses frontières, font de la Chine un acteur de premier plan du capitalisme mondial. Le yuan a d’ailleurs été intégré par le FMI dans son panier de devises, et la Banque asiatique d’investissements dans les infrastructures (BAII), pilotée par la Chine, regroupe la plupart des grands acteurs mondiaux, à l’exception des États-Unis et du Japon. Ceux qui traduisent, d’une manière simpliste, des relations étroites avec la Chine par une recherche de financements « parallèles » se trompent d’époque. Mais bon vent quand même à tous ces pots de terre qui espèrent voyager loin avec un pot de fer …
En Europe, même le roc allemand a fini par reconnaître ses fissures, comme lors du rachat du spécialiste de la robotique industrielle KUKA, un fleuron de l’industrie allemande, par le groupe chinois d’électroménager MIDEA pour 4,6 milliards d’euros, pas un de moins, mein Herr ! Mais l’appétit de l’ogre chinois ne s’est pas rassasié pour autant : ils auraient placé plus de 10 milliards de dollars dans plusieurs entreprises de moindre envergure pour le seul premier semestre 2016, contre 526 millions sur l’ensemble de l’année 2015. En Grèce, les investisseurs chinois n’ont pas perdu leur temps à s’extasier devant les ruines : en deux temps trois mouvements, COSCO obtenait l’intégralité de la gestion du port du Pirée, sa partie touristique comprise, pour 280,5 millions d’euros. Le Pirée est classé onzième sur les 36 ports que la compagnie chinoise possède dans le monde. Quant aux touristes chinois, ils évitent les cars touristiques et les plages bondées, mais adorent Corfou et Santorin. « Ces îles leur appartiennent, et ce sont de très bons clients ».
En Italie, pour finir sur un cas on ne peut plus emblématique, qui donc pensez-vous qui a repris le légendaire Milan AC ?  Réponse : le club est bien passé entre différentes mains dont celles de M. Bee, de Fosun, d’un consortium représenté par deux hommes d’affaires italiens, avant de tomber, dans les temps additionnels, dans l’escarcelle de Messieurs Li-Han et Li Yonghong. Inutile de préciser que derrière les prête-noms de service, il y a toujours la main de Pékin comme pour Pirelli passé lui aussi à la trappe. C’est de cette puissance invisible, mais toujours présente aux manettes, que rêve Jacob Zuma quand il parle de « proximité idéologique ». Mais le temps risque de lui manquer et, de toute façon, on ne s’improvise pas Chinois…

Les forces de l’ordre ont du mal à empêcher les vindictes populaires.

Les forces de l’ordre ont du mal à empêcher les vindictes populaires.

Justice populaire – Ainsi parlait l’Ecclésiaste

« Le soleil se lève, le soleil se couche, puis il se hâte de retourner à son point de départ. Tous les fleuves se jettent dans la mer, mais la mer n’est jamais remplie. Ce qui est arrivé arrivera encore. Ce qui a été fait se fera encore. Rien de nouveau ne se produit sur terre ».
Couvre-feu à Ambilobe en ce mois de novembre 2007. Sous l’effet de l’alcool, un certain Nico se vante imprudemment d’avoir été l’auteur du meurtre d’une mère et de ses deux fillettes dont les corps ont été retrouvés dans la Mahavavy. La ville est sens dessus dessous, l’ambiance devient vite électrique. Les forces de l’ordre accourent pour arracher l’ivrogne des mains des justiciers. La foule entreprend de mener une course-poursuite pour récupérer sa proie, au commissariat, à l’hôpital, à la gendarmerie. À chaque fois les forces de l’ordre réussissent à soustraire le dénommé Nico de la vindicte populaire, mais à chaque fois, ivre de déception et redoublant d’ardeur, la foule se… défoule sur les bâtiments abritant ces services publics. L’importance des dégâts témoigne d’une véritable folie vengeresse de la population. Ce qui est arrivé arrivera encore.
Ce même mois, la population de Tsararivotra réussit à se faire justice en présence des gendarmes impuissants à endiguer la fureur populaire. Les faits   Neuf personnes ont été victimes probablement d’un tueur en série et là aussi, un homme qui a trop bu se vante d’en avoir été l’auteur. Celui qui a reçu ses confidences s’empresse d’alerter la population, dont la première réaction est de surprendre le présumé meurtrier au bar où il doit encore se trouver. Mais celui-ci, mû par quelque instinct de conservation, anticipe sur les conséquences  de ses révélations, et trouve asile à la gendarmerie. Dans ce minuscule village du district de Nosy Varika, les grandes distances n’existent pas, et en un clin d’œil tous les habitants se retrouvent agglutinés devant le poste. Face au refus des gendarmes de livrer le fugitif à la foule, quelques personnes ont l’idée d’aller saccager sa case, et de prendre sa femme en otage. La fureur redouble à la vue d’un carnet contenant la liste des victimes, ce qui semble prouver que l’homme est bien le tueur. Retour à la gendarmerie, jets de pierre, et proposition d’un échange : la remise de l’homme contre la vie sauve de sa femme. Les gendarmes au pied du mur pensent que c’est un moindre mal, et s’exécutent.  La première sanction que la population exige du meurtrier est qu’il lèche le corps d’une des victimes encore veillée dans le village. C’est ensuite la curée, à coup de machettes sur le visage, la poitrine, le ventre, les membres. Ce qui est arrivé arrivera encore, aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain…

Un tableau, peint par des artistes paraguayens, inspiré du chef-d’œuvre de Léonard de Vinci, « Le dernier dîner ».

Un tableau, peint par des artistes paraguayens, inspiré du chef-d’œuvre de Léonard de Vinci, « Le dernier dîner ».

Saintes Écritures – Les zones d’ombre de Judas

Et si Judas n’avait pas trahi Jésus ?  Même dans les Évangiles canoniques, la question se pose, implicitement. Dans son récit de la Sainte Cène, Jean fait dire à Jésus : « fa fantatro izay nofidiko ». Judas serait-il, non pas un félon, mais un initié à qui Jésus aurait demandé, pour ne pas dire ordonné, de le livrer pour que s’accomplissent les
Écritures, « mba hahantanteraka ny Soratra Masina »   Un manuscrit retrouvé en Haute-Egypte dans les années 1970 accrédite cette thèse. Dans un ouvrage extrêmement documenté de 275 pages, James M. Robinson conte les pérégrinations de ce texte qui a fait l’objet de vastes tractations impliquant même la National Geographic Society, mais n’en est pas moins authentique et extrêmement troublant. Ce spécialiste des origines du christianisme en décrypte tous les passages et, dans une démonstration implacable, réhabilite l’apôtre maudit. « Je t’enseignerai les mystères du Royaume, tu pourras l’atteindre, mais pour cela, tu souffriras beaucoup ».
L’ouvrage est introduit par Rémi Gounelle, Professeur d’Histoire de l’Antiquité chrétienne de l’Université Marc-Bloch (Strasbourg II). Parlant des Évangiles apocryphes, celui-ci rappelle que les chrétiens des trois premiers siècles ont composé plus d’une quinzaine d’évangiles, plusieurs apocalypses et lettres mises sous le nom des disciples de Jésus. Seule une petite partie de ces textes a été recueillie dans le Nouveau Testament. Les autres sont couramment appelés « apocryphes », d’un terme grec dont le premier sens est « caché ». Il est petit à petit devenu synonyme de « ayant une origine douteuse », voire de « faux ». Parmi eux, l’Évangile de Judas, redécouvert au XXè siècle, a été écrit au milieu du IIè siècle après Jésus-Christ par la secte gnostique des Caïnites, mais c’est Irénée, évêque de Lyon, qui, horrifié, le mentionne le premier dans son traité « Contre les hérésies ». Dans cet Évangile, Judas, dépositaire d’un savoir supérieur dont ne disposaient pas les autres disciples, est présenté comme celui « qui va offrir en sacrifice l’homme qui porte Jésus », c’est-à-dire celui qui permettra à Jésus de se libérer des liens de la chair, pour rejoindre le monde spirituel dont il est issu.

Pour l’Église chrétienne, Judas a trahi Jésus.

Pour l’Église chrétienne, Judas a trahi Jésus.

Traître ou ami ?
En lisant l’Évangile de Marc, on peut s’étonner du véritable mur d’incompréhension existant entre Jésus et ses disciples. « Vous ne comprenez pas encore, et vous ne saisissez pas   Avez-vous donc l’esprit bouché, des yeux pour ne point voir et des oreilles pour ne point entendre   » Dans le jardin de Gethsémani, on sent déjà que le cercle rapproché de Jésus, dont a déjà été expurgé Judas, est totalement inutile, abandonnant le Maître à lui-même. Et dans la cour du grand prêtre après que Pierre ait renié Jésus trois fois, on aurait pu s’attendre à ce que, lui aussi, aille se suicider. Au lieu de cela, un bel avenir lui était promis, et on devait même édifier plus tard la plus grande basilique du monde sur le site présumé de son tombeau. Et combien étaient-ils donc  au pied de la croix   Pas un seul ! Judas seul devait rester dans la peau du traitre pour l’éternité. Déjà deux poids et deux mesures, alors qu’à Césarée déjà, Pierre a eu droit à un cinglant « Passe derrière moi, Satan ! Tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ! »
Plusieurs livres contemporains ont proposé une approche plus indulgente du cas de l’apôtre maudit, laissant entendre que, dans le fond, il n’aurait pas si mal agi que ça. Dans son
« l’Évangile selon Judas », Ray Anderson imagine un dialogue au cours duquel Jésus accorde son pardon à Judas. Hans-Josef Klauck, de la Divinity School de l’Université de Chicago, adopte une approche impartiale envers celui qu’il qualifie de disciple du Seigneur. Quant à William Kassen auteur d’un « Judas, traitre ou ami de Jésus   », il défend la thèse d’un Judas plus féal que félon. Avec chacun sa mission qu’il leur était impossible de refuser – « aoka tsy ny sitrapoko anie no hatao, fa ny Anao » -, Jésus et Judas n’étaient-ils pas les deux éléments indissociables d’une paire sans laquelle tout l’enseignement de la Bible s’écroulerait ?

BE6Rétro pêle-mêle

Géo, Grands Reportages, Trek Magazine, trois grands titres français du voyage consacrent en cette fin 2007 d’importants dossiers sur Madagascar, mais chacun selon son optique. Géo profite de la Coupe du Monde de rugby qu’héberge la France pour parler de l’histoire de la balle ovale à Madagascar. Introduit par les militaires français en 1905, le rugby a par la suite, et jusqu’à aujourd’hui, été adopté par les classes défavorisées dans leurs quartiers régulièrement inondés à chaque saison des pluies. C’est tout naturellement que ce sport est devenu le vecteur d’un nationalisme qui se retrouve encore dans les paroles du Haka  des Makis : « Madagasikara maka toerana, Makis menalamba, Makis manaha lamba, tetiteteo fa ratsy fanahy, io, io, io ».
Plus classique, Grands Reportages parle d’une île aux trésors en sept volets dont Tana « qui a plus de collines que Rome », la route des senteurs menant de Nosy Be, un paradis perdu, à Ambanja, « les goélettes du temps jadis » racontant un cabotage de Belo-sur-Mer à Maintirano. Pierrot Men y apporte une contribution remarquée et… remarquable par ses photos en noir et blanc accompagnées de textes signés Claire Marca.
Pour Trek Magazine enfin, les meilleures découvertes sont celles qui se font à pied. Parlant des « nouvelles pistes de la Grande Île », il insiste sur le fait qu’à Madagascar le trekking rime encore avec les joies de la rencontre et les frissons de la découverte. Il y a effectivement de quoi, quand on sait que les itinéraires proposés vont du massif encore quasi-inconnu du Makay aux Tsingy du Bemaraha, et aux paysages montagnards de l’Andringitra. Certains soirs, autour d’un feu de camp, il peut arriver que l’on goûte, d’abord du bout de  la langue, au tord-boyau local, le toaka gasy. De mémorables moments…

Textes : Tom Andriamanoro
Photos : L’Express de Madagascar – Présidence de la République – AFP 

 


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