La vanille, qui fait plus ou moins la richesse de la Sava, et son produit de synthèse artificiel font l’objet du Bemiray d’aujourd’hui. Sur fond de la défaite des Bleus en finale de l’Euro 2016, Tom Andriamanoro évoque la fête nationale française, le 14-juillet. Enfin, selon la croyance populaire, les puissances occultes, dont les « doany », constituent une interface entre deux mondes.
Exportation – La vanille, un or vert très piraté
La vanille « fragrans » qui donna naissance à la vanille « bourbon » était déjà cultivée à Java, à Tahiti, en Nouvelle Calédonie, en Indochine, avant d’être introduite à Madagascar en 1870. Elle ne débarquait pas tout à fait en terre étrangère, puisque cinq espèces de vanillier sauvage sont répertoriées dans les forêts malgaches. Cette « fragrans » est la variété cultivée aujourd’hui dans les îles de l’océan Indien. Madagascar est le premier producteur mondial de vanille, pratiquement sans interruption depuis 1924.
Les premières feuilles peuvent être obtenues au bout de deux ans, mais il est conseillé de ne pas encore les féconder afin de ne pas épuiser prématurément la liane. La meilleure période de production s’étale sur quatre ans, allant crescendo de la troisième à la septième année. La campagne de vanille préparée ou « en vrac » s’ouvre généralement deux mois après celle de la vanille verte. La préparation comporte plusieurs phases, depuis le trempage dans une eau à 60° jusqu’à la bonification dans des malles capitonnées de papier paraffiné. N’en déplaise aux chasseurs d’images, les clichés montrant des femmes pieds nus et traitant les gousses à même le sol ont fait leur temps : partout dans le monde on en est, aujourd’hui, aux blouses blanches, aux gants, et aux lavabos omniprésents…
Il y a loin des planteurs (environ 80 000 dont 70 000 pour la seule SAVA) aux utilisateurs finaux dans l’agro-alimentaire ou la parfumerie. Les exportateurs confient la collecte à des commissionnaires agréés. Dans les marchés importateurs, quelques « traders » font la pluie et le beau temps sur les cours. Les utilisateurs ne se constituent, en effet, pas de stock, et il peut suffire d’un cyclone pour faire flamber les prix. Ce fut le cas avec Hudah qui ravagea Antalaha en 2000, répandant dans les marchés la psychose d’une absence de production pendant plusieurs années. Il n’en fallait pas plus pour que, du jour au lendemain, les prix passent du simple au double, et s’engagent dans une spirale atteignant des pics surréalistes de 475 dollars. Les utilisateurs ont alors sorti le carton rouge en se tournant vers les produits de substitution. Rechute jusqu’à 50 dollars en 2004, pour ensuite se stabiliser entre 30 et 50 deollars. C’est un niveau de prix où les industriels trouvent plus intéressant de revenir au naturel plutôt que d’utiliser des extraits de synthèse.

Les gousses de vanille sont triées selon leur longueur et leur qualité.
Arôme de synthèse
Un tiers des aliments consommés en Europe, et plus de la moitié aux Etats-Unis, contient ce qu’on appelle pudiquement des « arômes ajoutés ». On les retrouve dans les plats cuisinés, les laitages, les soupes instantanées, les desserts, et même les petits pots pour bébés. La liste n’est pas exhaustive, car les arômes sont une bénédiction pour les industries, faciles à stocker, disponibles toute l’année, et libérant la ménagère des contraintes liées aux produits frais. Les chimistes ont isolé plus de 2 600 molécules aromatisantes à partir desquelles peuvent être reconstitués pratiquement tous les goûts et toutes les odeurs, le postulat à la mode étant la soif d’exotisme chez le consommateur. Les risques pour la santé sont généralement peu importants, les interrogations portant moins sur les molécules elles-mêmes que sur leurs supports, dont certains peuvent contenir des structures allergéniques.
Pour Monsieur Tout-le-monde qui n’est pas nécessairement nutritionniste, comment s’y retrouver Aux Etats-Unis, la loi exige que la qualité, naturelle ou synthétique, des arômes figure sur l’étiquetage. Ailleurs, la réglementation est moins stricte, ce qui ouvre la voie à toutes les méprises entre « goût de », « arôme naturel de », « arôme » tout court ou autres « saveur de », alors que la différence entre ces appellations est de taille. L’arôme est naturel s’il provient exclusivement d’une matière première animale ou végétale, et si aucun procédé chimique n’entre dans sa fabrication. Le naturel biotechnologique n’est pas toujours extrait de la matière première dont il a le goût. On peut, par exemple, obtenir de la vanilline à partir du son, du riz, ou de la pulpe de betterave. L’arôme de synthèse artificiel, enfin, n’existe pas dans la nature. C’est le cas de l’éthylvanilline, un composé trois à cinq fois plus puissant que la vanille, mais pouvant coûter… deux cents fois moins cher.
Les papilles gustatives permettent seulement de reconnaître les saveurs primaires que sont l’amer, le sucré, l’acide, ou le salé. Les arômes, quant à eux, sont perçus par l’odorat quand, libérés dans la bouche lors de la mastication, ils remontent jusqu’au nez par un effet rétronasal. Le parfum vanille est utilisé dans un grand nombre de produits alimentaires (glaces, sucreries, crèmes, yaourts), et aussi dans les savons et autres désodorisants. La vanille étant un produit de luxe pour lequel le Groupement des entreprises de la SAVA a, par exemple, créé un label « Vanille naturelle malgache», c’est l’arôme qui compte le plus de fraudes.

Le Président français, François Hollande, passe en revue les troupes avant le traditionnel défilé du 14-juillet sur les Champs-Elysées.
14 juillet – Ma doulce France …
Il n’est pas interdit d’avoir la nostalgie des bocages normands ou de la garrigue provençale en ce mois de la fête nationale française. Elle fut belle sur des Champs peints en bleu-blanc-rouge, avec un Président qui a descendu et remonté en toute « normalité » la plus belle avenue du monde. Elle aurait été plus cocorico si, quelques jours plus tôt et après un démarrage poussif, les « Françafricains » de Didier Deschamps avaient pu poursuivre leur ascension jusqu’au toit de l’Euro. Mais rien n’y fit, l’Antoine et ses potes se sont heurtés, à chaque tentative, à un extraterrestre déguisé en gardien de but. Et quoiqu’on dise, il y a encore une justice, même en football : le traitement VIP réservé à Christiano Ronaldo et sa sortie prématurée, au lieu d’abattre les Lusitaniens, les ont, au contraire, appelés à se transcender. Moralité de l’histoire : la victoire n’est pas nécessairement promise à ceux qui se croient les plus forts, mais à ceux qui y croient. Nuance, et à bon entendeur…
Au fait, 1789 a-t-elle été une révolte comme s’est enquis sa Majesté, une révolution comme on lui a répondu, ou un coup d’État pour parler comme aujourd’hui Toujours est-il qu’elle fut suivie par dix années de Transition sans que les Français sachent vraiment vers quoi, et durant lesquels on s’entre-guillotinait sur l’air des lampions. En veux-tu en v’là, et que je te raccourcisse ! Le pauvre Capet, Louis XVI du temps de sa splendeur, monta sur l’échafaud le 21 janvier 1793, suivi, l’année d’après, sur le même chemin de croix par beaucoup de ses anciens vainqueurs. Une Terreur rouge écarlate, alors qu’on doit à la prise de La Bastille la très pacifiste Déclaration des Droits de l’Homme, dont certains pays ont vite fait un torchon.
Qu’est-il resté, aujourd’hui, du 14-juillet Dans l’Histoire de Madagascar, l’arrêté n°450 du 5 mars 1897 par lequel il remplaçait, désormais, la Fête royale du Fandroana. Chez ses propriétaires, une journée populaire bon enfant qui n’a pas pris une seule ride, des bals musette, et un hymne, « La Marseillaise », qui dérange parfois par la brutale crudité de son message. Platini avait suggéré, une fois, qu’au moins sur les stades, on puisse lui adapter occasionnellement des paroles moins bellicistes. En vain. En Coupe d’Europe comme au Mundial, les Bleus continuent à réclamer à tue-tête « qu’un sang impur abreuve leurs sillons ». Brrr…

Malgré la christianisation de la Grande île, les offrandesdans les « doany » (ici celui de Ikingory) ont une place prépondérante chez certains Malgaches.
Mondes parallèles – Esprit es-tu là ?
Tout commence par une sorte de rêve prémonitoire dans lequel la personne entend la voix de Ranoro. Dans son « doany », chez les Antehiroka près d’Ambohibao, où il est interdit non seulement d’apporter du sel mais même d’en parler, un grand prêtre se charge de traduire en termes simples ce qui a été transmis en paraboles. Être un fidèle de Ranoro, la fille d’Andriantsira, implique des contraintes dont celle de lui offrir des dons en argent ou en nature. Qu’à cela ne tienne, puisqu’aujourd’hui encore l’ondine tient sa promesse faite du temps d’Andriambodilova, son mari : « si vous ne m’oubliez pas, si vous venez à ma maison de pierre, je vous protègerai, je vous aiderai ».
Il existe à Antananarivo pas moins de sept « doany » hauts-lieux du culte des ancêtres, pour ne citer que ceux d’Anosisoa, d’Ambonin’Ampamarinana, ou encore d’Andohamandry. Ce dernier endroit était celui où Andrianampoinimerina envoyait puiser son eau, avant de devenir un grenier à riz sous la reine Rasoaherina. Il en est resté une sacralité qui utilise des voix pour dicter à l’officiant les démarches ésotériques nécessaires pour en faire un lieu de prière et de guérison. Tous les « doany » se ressemblent, avec cette omniprésence du rouge couleur royale, les amoncellements de pierres, le drapeau national, les bucranes, les inscriptions, l’autel des sacrifices, et surtout les pouvoirs du maître des lieux, hérités des ancêtres. « Nametrahan’ny razambe hery aho ». Etre habité par des énergies venues d’ailleurs peut aussi arriver à des particuliers lesquels disent n’avoir pas eu d’autre choix que d’obtempérer et… d’ouvrir un cabinet qui désemplit rarement. La culture populaire malgache met leur pouvoir sur le compte d’entités mystérieuses classées sous le terme générique de « Kalanoro ». Ils y associent généralement le Dieu des chrétiens pour ne pas froisser ou perdre une clientèle de fidèles, qui le sont en fait très peu….

Les dahalo sont toujours dotés de « moara » fournis par leurs sorciers protecteurs, les dadarabe.
Médium
Les relations privilégiées avec des puissances occultes ne se limitent pas aux activités de guérisseur. On pourrait citer des religions comme le renouveau charismatique ou le vaudou, certaines branches du bouddhisme tibétain, le chamanisme et le druidisme, les expériences de mysticisme, de vision ou d’extase, ainsi que des activités relevant de la parapsychologie. Contrairement au voyant dont le pouvoir se limite souvent à la prédiction, le médium, par exemple, est aussi une interface entre deux mondes. Les cas de médiumnité sont multiples et on pourrait en citer quelques-uns : le médium clairvoyant (cas de Bernadette Soubirous de Lourdes), le médium clairentendant (cas de Jeanne d’Arc ou de John Edward), le médium christique, le médium en proie à des intuitions et pulsions bonnes ou mauvaises, créatrices ou destructrices, pouvant s’assimiler à un désordre psycho-émotionnel (cas de certains génies artistiques et hommes politiques), le médium adepte de la table tournante très populaire au 19è siècle, le médium parlant qui prête son larynx et ses cordes vocales à l’entité qui l’habite temporairement (un personnage central du « tromba »).
La pire insulte que l’on pourrait faire à un titulaire de ces pouvoirs inexpliqués, qu’il soit d’ici ou d’ailleurs, serait de voir en lui la main des puissances du Mal. Ecoutons ce témoignage d’un convaincu : « La médiumnité est un don de Dieu pour celui qui a réussi à l’écouter dans son cœur, et qui s’y est retrouvé. Le médium est un être humain aussi banal que les autres, ni meilleur ni pire. Il a juste décidé de mettre en pratique sa volonté de vivre dans l’amour, en Dieu, en aidant ses semblables ».N’empêche, il existe des satanistes de bonne… foi, et qui ne s’en cachent pas. C’est le cas de cet artiste magicien interviewé il y a quelques années de cela par une station privée de la place, et qui a connu ses heures de célébrité. Avant chaque spectacle, il s’enferme toujours dans sa loge pour se concentrer, le pied posé sur une Bible. « Je sais qu’un jour Satan me demandera des comptes. Mais en attendant, je continue puisqu’il m’en donne le temps ».
Rétro pêle-mêle
Ordures et pollution sans frontières. 2007, Nouakchott est ce qu’on peut appeler une ville sale, ses rues sont de véritables décharges à ciel ouvert. Un peu d’espoir est venu depuis qu’une société française a pris en main le ramassage des ordures. Elle se donne jusqu’au premier trimestre 2008 pour atteindre sa vitesse de croisière. Mais rien ne pourra être réussi sans un changement culturel, comme a essayé de le faire comprendre à ses administrés, dans un langage de vérité, le maire de la capitale mauritanienne : « nous sommes un peuple de bédouins, nous ne sommes pas encore habitués à la ville. Les bédouins plantent leurs tentes, et quand c’est sale tout autour, ils vont ailleurs ». Autant de pratiques inconciliables avec la vie urbaine, et qui ne sont pas si éloignées de celles qui expliquent le lent pourrissement de quartiers entiers d’Antananarivo, dont la ville ne s’est plus relevée. Une chute libre imputable en grande partie à l’exode rural de populations totalement inadaptées à leurs nouvelles conditions de subsistance, dans un environnement qui leur est inconnu.
À Naples en Italie, les déchets industriels pèsent plusieurs dizaines de milliards d’euros par an, et sont même plus rentables à la maffia qui règne sur ce marché que la cocaïne. Vingt-six millions de tonnes sont dispersées dans la nature, l’équivalent de véritables montagnes de produits toxiques, et brûlées ici ou là au gré des déchargements. Des pâturages sont pollués, des troupeaux entiers sont décimés par des maladies à répétition, et à certains endroits le taux en dioxine du lait est douze fois supérieur à la limité autorisée. Les chiffres de l’OMS sont inquiétants, mais n’arrivent pas à secouer l’immobilisme d’autorités gangrénées par la Camora.
La Chine est le premier producteur mondial de charbon avec ses deux milliards de tonnes en augmentation de 15% chaque année. La province de Chang Si est surnommée l’Océan de charbon. Il y circule chaque nuit des trains de 2 à 3 km de long, remplis à ras bord. Beaucoup de routes sont noires de pollution, et l’atmosphère de certaines villes est d’un gris poisseux en permanence. Autour de la capitale de la province il n’y a presque plus de champs cultivés, rien que des exploitations se succédant à l’infini. Voilà le genre d’environnement radieux que les Chinois promettent à Soamahamanina et à beaucoup d’autres régions d’un pays qui n’aura jamais autant mérité son surnom d’Ile Rouge.
Textes : Tom Andriamanoro
Photos : L’Express de Madagascar – AFP