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Bemiray –« Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière »

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Tom Andriamanoro évoque le cas de nos Présidents africains (et malgache) qui se nantissent de palaces volants, soi-disant pour le prestige de la nation. Les jeux de hasard dont le PMU font rêver les petites gens d’enrichissement à moyen ou à long terme. Dans la rubrique des grands hommes qui ont fait connaître Madagascar, il fallait mentionner Alfred Grandidier.

Gouvernance – Les mille et un caprices des Présidents africains

Gabrielle fait partie de ces dépossédés de l’Angleterre thatchérienne dont nous avons parlés dans la précédente édition. Elle vit dans le quartier miteux de Hackney, où « des drames complexes se jouent dans les chambres meublées, les appartements surpeuplés, les immeubles lépreux, les rues, les taudis et les tanières de toutes sortes. Les murs crasseux et les planchers pestilentiels compriment et écrasent le pauvre parmi les pauvres. Dans son placard, dans son galetas, il n’a ni espace, ni liberté, ni argent. Il n’a rien sinon la perspective de pire encore ». Mais de tout cela, son petit Jack n’en a cure, il ne s’intéresse qu’à  sa petite flotte de voitures miniatures, dont un van AA, une Volvo en panne, et un taxi…
On cherchera en vain la différence avec certains de ces grands qui nous gouvernent, insensibles à la misère ambiante, et ne pensant qu’à leur bien-être coûteux sans rien vouloir comptabiliser. Quelquefois, leurs partisans aident efficacement à ce qu’il faut bien appeler leur infantilisation, pour ne pas parler de pourrissement, comme en Afrique du Sud où  l’ANC fera tantôt une levée de fonds pour aider Jacob Zuma à payer le million d’euros dont il a écopé, à la suite de l’affaire de sa résidence privée. Il faut le sauver, le pauvre chou ne trouvera jamais cette somme tout seul, lui qui a déjà quatre femmes et vingt enfants accrochés à ses basques !  Que de responsabilités méritoires…
Mais la plus grande tentation des présidents africains a la forme élancée d’un « appareil volant imitant l’oiseau naturel », toujours plus sophistiqué, toujours plus cher. Certains, pensant déjà à l’après-pouvoir, choisissent de favoriser l’émergence d’une compagnie aérienne privée qu’ils tiennent sous leurs ailes, parfois même au détriment du pavillon national. « Mitsinjo ny vodiandro merika », dit-on en malgache. D’autres, épicuriens jusqu’à la moelle et voulant plus que tout savourer l’instant présent, misent sur les avions présidentiels destinés à véhiculer, non pas leur propre prestige, mais celui de la nation. La nuance est de taille, et peu importe le prix, puisque la facture est à adresser au bien nommé Trésor public. Jacob Zuma dont on n’épuisera jamais les frasques décide, par exemple en novembre dernier, d’acquérir un véritable palace volant avec salle de conférence, chambre à coucher, salle de bain, et pouvant avaler 13 000 km sans escale. Comme justificatif, ce bijou sera propriété de l’Etat sud-africain. Et sa jouissance, Monsieur le Président, les inscriptions sont-elles déjà ouvertes à Soweto

Le fameux Air Force One qui a fait couler beaucoup d’encre.

Le fameux Air Force Onequi a fait couler beaucoup d’encre.

Prestige national
Le record en la matière appartient, certainement pour longtemps encore, à l’ex-cadre de la Banque mondiale, l’Ivoirien Alassane Ouattara. Le pays n’est certes pas dans le peloton de queue, loin s’en faut, mais cela n’explique pas que son Président puisse collectionner une flotte de dix avions dont un Boeing, un Airbus, plusieurs Gulfstream, et un hélico.  Juste après lui pointe le préféré de la Mère Marianne qui en est à son cinquième mandat, l’indéboulonnable Tchadien Idriss Deby Itno avec son Boeing Business Jet, son Beechcraft 1900, son Fokker, et son Gulfstream II. Excusez du peu.
Le Nigérien Issoufou aime tellement son pays qu’il ne se résout pas à admettre qu’il soit un des plus pauvres du monde. Le prestige national n’étant pas négociable, le gouvernement  annonce en septembre 2014 l’achat d’un Boeing 737 coûtant 30 millions d’euros. Malheureusement pour lui, l’opposition mène ses investigations, et découvre qu’à sa sortie d’usine, l’avion valait 24 millions. Voilà une affaire qui pourrait réveiller certains souvenirs chez les Malgaches…
En mai 2014, Ibrahima Boubacar Keita, pris d’amnésie, oublie totalement que son pays le Mali, mis à…mal par l’islamisme radical, est encore sous perfusion. Au nom de l’intérêt supérieur de la Nation, il achète un luxueux jet de 28 millions d’euros sous prétexte que le précédent, qui date de l’époque d’Amadou Toumani Touré, est tombé en obsolescence. Un argument qui a laissé sceptiques non seulement la classe politique, mais également le FMI.
Le Président camerounais Paul Biya a pour sa part joué de malchance. Pour le vol inaugural de son Boeing 767 livré en 2004, il embarque avec toute sa famille, mais la fête en haute altitude tourne rapidement à l’angoisse et à la peur, pour des ennuis techniques qui contraignent l’avion à un atterrissage forcé. Le président ne voulant plus y remettre les pieds, et on le comprend, l’appareil est cédé à une compagnie qui, comble de l’ironie, n’a jamais eu à s’en plaindre. Le Sénégalais Macky Sall, quant à lui, continue à utiliser l’Airbus A-319 de son prédécesseur, chose que s’est refusé à faire le Président de la Transition malgache. Laissant au hangar l’Air Force qui a contribué à la fermeture des robinets des bailleurs, Andry Rajoelina opte pour un petit jet de location, avec souvent comme master of ceremony un certain…Spear’O Mic, né d’une famille où l’on est pilote de père en fils, et chanteur adulé des jeunes sous son autre casquette. Le R’n’B passait certainement en continu durant les vols présidentiels, loin de la pseudo-étiquette amidonnée des Cours africaines ! Le trentenaire poursuit, actuellement, une belle carrière chez Qatar Airways, aux commandes d’un Boeing 787 Dreamliner. Comme quoi nos pilotes, c’est du haut-de-gamme, mais  malheureusement ils peinent parfois à être prophètes dans leur propre pays…

Alfred Grandidier a parcouru un peu moins de 6 000 km à travers la Grande île.

Alfred Grandidier a parcouru un peu moins de 6 000 km à travers la Grande île.

Sciences – Alfred  Grandidier, de la race des grands explorateurs        

Nichée au fond du Parc botanique de Tsimbazaza à Antananarivo,  se trouve une maison traditionnelle reconnaissable aux deux niveaux d’arcs en brique rose de son architecture. Tout ici respire la paix, et la fréquence des visiteurs, essentiellement des chercheurs et des universitaires, est plutôt dispersée. Tout est d’ailleurs très bien ainsi, car les lieux ne sauraient s’accommoder de quelconques grandes ruées. On est ici dans les locaux du Fonds Grandidier, en hommage à ce scientifique du 19è siècle qui laissa à la postérité une véritable mine de connaissances sur un pays qu’il découvrit presque par hasard …
Naturaliste et explorateur, Alfred Grandidier est né en 1836 d’une famille aisée de la bourgeoisie lorraine. Ressentant très tôt l’appel des terres lointaines et avide de découverte, il avait à peine dépassé la vingtaine quand, avec son frère ainé Ernest, il mit le cap sur l’Amérique du Sud avant que leurs routes ne se séparent. C’est en rentrant d’un long séjour en Inde qui le fascinait par son ésotérisme, et pendant une escale à La Réunion, qu’il apprit que la grande île voisine, une terre pratiquement vierge pour les chercheurs, avait repris une timide politique d’ouverture sur le monde, notamment avec la Reine Rasoherina qui succéda à son mari assassiné Radama II. Le Muséum National d’Histoire Naturelle et la Société de Géographie acceptèrent de parrainer plusieurs expéditions scientifiques qu’il décida d’y mener, et pendant lesquelles il arriva à totaliser un peu moins de 6 000 km sur son carnet de… « route », dans un pays qui n’en avait pratiquement pas. Ses recherches portèrent sur des domaines aussi divers que la minéralogie ou la zoologie, mais en laissant la part belle à la composante humaine, pour laquelle il se révéla à la fois linguiste et anthropologue. Grâce à ses milliers de relevés géodésiques, Alfred Grandidier peut être considéré comme le père de la carte de Madagascar la plus proche de la réalité, avec une localisation très précise de la capitale.  Plus tard, les troupes coloniales françaises trouvèrent là un document d’état-major prêt à l’emploi et surtout très fiable, pour leur avancée de Mahajanga à Antananarivo d’abord, pour les opérations de pacification dans les régions ensuite.
Le Fonds Grandidier de Tsimbazaza comporte quelque 16 000 documents incluant toutes les disciplines. Les informations sont classées en  rubriques allant des sciences sociales (7 533 références) aux rapports divers (28), en passant par les sciences de la vie (2 448), les sciences médicales (476),  les sciences de la terre et de l’espace (279), ou encore les mathématiques, la physique et la chimie (50).  Le Fonds possède aussi plus de 3 000 photographies de Madagascar au 19è siècle, ainsi qu’une collection d’époque de cartes civiles et militaires. Mais l’élément central demeure les travaux d’Alfred Grandidier lui-même, dont une partie a été publiée à titre posthume par son fils Guillaume.
En raison de leur âge, et les documents étant encore dans l’attente de leur numérisation, seule la consultation sur place est autorisée.

Jeu de hasard – Tu paries qu’il perd  ?

… Et moi qu’il paiera encore et toujours, peut-être même plus qu’hier et bien moins que

De nombreux parieurs malgaches fréquentent les agences PMU tous les jours .

De nombreux parieurs malgaches fréquentent les agences PMU tous les jours .

demain. Un grand baron des jeux, un Corse comme il se doit, explique en ces termes les raisons de son succès personnel en Afrique : « Je ne traite jamais rien avec les secrétaires, les chefs de projets, ni même les ministres. Je n’ai affaire qu’aux Présidents ». Des noms sont cités, comme ceux du Congolais Denis Sassou Nguesso, du Gabonais Omar Bongo, ou même du Malien Ibrahima Boubacar Keita, une exception qui confirme la règle, puisqu’il n’était alors « que » Premier ministre. C’est ainsi que du golfe de Guinée à Madagascar, toute l’Afrique s’est laissé entrainer dans la frénésie d’un argent pas si facile que ça.
Prenons le cas du Nigéria, un géant du pétrole où les inconscients percent souvent les pipelines, pour recueillir le précieux liquide qui déserte un peu trop souvent aussi les stations-service. On y compte plus de 60 millions de joueurs qui s’adonnent à leur passion en dépensant quotidiennement la somme faramineuse de 8 millions d’euros rien qu’en paris sportifs. Dans la capitale gabonaise Libreville, les endroits qui ne désemplissent jamais de toute la journée sont ceux du PMU où l’on s’affaire studieusement dans des problèmes d’hippodromes, d’écuries, de cotes et de jockeys. Certaines mauvaises langues les appellent les… casinos des pauvres. Pas tout faux, quand on sait qu’au Cameroun, il n’y a plus un seul village qui n’ait pas son petit kiosque. Mais qu’on dise ou qu’on médise, cet accro sénégalais qui joue à l’insu de sa femme est fier de ses gains qui oscillent régulièrement entre 100 et 200 000 F CFA. Et il ne désespère pas de passer un jour la barre symbolique du million, puis celle « des » millions. Car d’après les vrais pratiquants, le pari hippique  n’est pas une question de chance, mais une véritable science qui exige d’intégrer tous les paramètres des courses.
Les « investisseurs » viennent de tous les horizons : des Français bien sûr, mais aussi des Australiens, des Libanais, des Russes, des Sud-Africains, des Chinois, et même parfois de respectables Luxembourgeois. Une liste difficile à clôturer, qui rencontre  néanmoins, et de temps à autre, des réticences inattendues. C’est le cas du Président gambien Yahya Jammeh qui, malgré tout le mal que l’on pense de lui, a décidé d’interdire tous les jeux d’argent. La raison    On voit trop souvent des élèves faire la queue aux kiosques en pleine heure de cours, et acheter des tickets avec l’argent destiné à leur repas…

Casinos.

Jouer dans les casinos n’est pas encore entré dans les mœurs du Malgache moyen.

Jouer dans les casinos n’est pas encore entré dans les mœurs du Malgache moyen.

Une différence sensible existe entre pays anglophones et francophones en matière de jeux. Chez les anglophones, dans la suite logique peut-être du style de colonisation qui y a eu cours, les jeux de hasard sont strictement réglementés. En Afrique du Sud, ils furent interdits en 1965, et rouverts en 1996. C’est dans ce pays que se trouve un des plus grands casinos du monde, avec plus de 250 machines à sous et s étendant sur
25 000 m2. Dans la petite Zambie, leur nombre a quintuplé en quelques années. Chez les francophones par-contre, il n’est pas rare d’encore  entendre parler de combine et de passe-droit. Certains « rois » de la filière en Afrique de l’Ouest ou Centrale ont un passé plutôt nébuleux par certains côtés, et ont souvent été cités dans des réseaux mélangeant allègrement la politique et les affaires, comme la « Corsafrique » de Charles Pasqua.
L’indétrônable Pmu « africain », né au Sénégal dans le milieu des années 80, était à ses débuts une idée complètement folle: faire parier les Africains sur des
images piratées de courses hippiques françaises. Et pourtant la greffe a pris, et s’est étendue à d’autres pays. Au Congo par exemple, comme le raconte un promoteur, « le directeur de la Congolaise de gestion de loterie est venu me voir pour me parler du PMU sénégalais qui, d’après lui, marche très fort. Je lui ai payé le billet pour Dakar, et il est revenu avec trois Sénégalais qui nous ont initiés. C’est comme ça que tout est parti ». Il existe aujourd’hui seize Pmu africains dont celui de Madagascar, qui n’ont pas grand-chose à voir avec le modèle initial français, si ce n’est le nom, et les courses jouées. Des accords classiques de partenariat entre fournisseur et client régissent des points comme la fourniture des images, et la promotion des courses, moyennant un forfait.
Au Cameroun, il n’est pas jusqu’à certaines petites églises qui organisent une quête spéciale s’inspirant des jeux, l’heureux gagnant touchant son dû le dimanche suivant. N’est-il pas dit que ce que vous donnez, Dieu vous le rendra au centuple  ?

BE5

Rétro pêle-mêle

Quelques personnages célèbres de Sainte Marie :
Adolphe Tsiaviry, né le 2 août 1914. Il habitait dans une verte région à l’est du village d’Andapanangoy, ombragée par les cocotiers, et où poussent la vanille, le poivre, le girofle, la cannelle. Il acheta un jour une vieille machine à coudre de marque anglaise que sa descendance continue certainement encore à utiliser. Ce fut pour lui l’occasion de se découvrir une fibre anglophile sans limite, au point de donner le nom de… Londres à son village. Un nom insolite que le tout petit hameau porte aujourd’hui encore.
Todivelo Napoléon, né le 26 septembre 1909 à Vohimasy tout en haut d’une petite colline, où il fut d’abord charpentier avant de s’enrôler dans l’armée française, et de partir pour la guerre. A son retour, il devint chef de village puis, en 1968, le tout premier « investisseur » touristique de l’Ile aux Nattes, en y construisant deux petits bungalows et un restaurant célèbre pour son poulet au coco. Satisfaits et repus, les touristes laissaient volontiers un petit mot dans le « journal de bord » de Napoléon, un personnage haut en couleur désormais entré dans la légende de l’île.
Alfred Fabien, né en 1922 à Agniribe. Surnommé le shérif de Napoléon, il fut son premier cuisinier et le « père » de son fameux poulet au coco. Quand Napoléon devint président de la commune rurale, il le prit tout naturellement avec lui pour en faire son vice-président. A la mort du patron, il prit le relais, mais cette fois-ci dans une unité bien à lui, le Pandanus.
Paul Martin, un passionné des baleines à bosse, installé sur l’île depuis 1988. Il créa la société Sainte Marie loisirs, spécialisée dans l’observation de ces cétacés partis chaque année à date fixe de la lointaine Antarctique. Il a témoigné en ces termes :
« Depuis 1988, j’ai effectué plus de 500 sorties d’observations, pris des milliers de photos, enregistré des dizaines d’heures de vidéo. Je reconnais d’une année à l’autre les mêmes sujets, et je veux croire qu’ils me reconnaissent aussi ».

Textes : Tom Andriamanoro
Photos : L’Express de Madagascar – AFP


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