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Bemiray –« Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière »

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 Nous inaugurons la chronique hebdomadaire  « BEMIRAY » de  Tom Andriamanoro.

Fil de l’histoire – Le référendum de 1958 : une mascarade

La décennie 50. Dans cette période de l’après-guerre, une nouvelle carte politique du monde était en gestation sous le signe de l’émancipation des peuples, avec pour point fort la Conférence de Bandung de 1955. L’Inde avait déjà obtenu son indépendance grâce à l’aboutissement du mouvement non violent et quasi-mystique de Gandhi, perçu comme une sorte de défi vis-à-vis de la civilisation occidentale et de ses valeurs. Un peu par pragmatisme devant le poids futur de ce géant asiatique, l’Angleterre avait fini par choisir de ne pas s’en faire  un ennemi. Quant à l’Égypte de Nasser, un autre ténor de Bandung, sa lutte lui a permis de renouer avec la civilisation plusieurs fois millénaire qui était la sienne.
À Madagascar, à peine huit ans se sont écoulés depuis les évènements de 1947 et leurs 90 000 morts, directs ou collatéraux, selon les estimations de certains historiens. Ses anciens combattants ne comprenaient toujours pas que le pays de la Déclaration des Droits de l’Homme, pour lequel ils s’étaient battus, fasse mine de ne pas entendre les aspirations de ses colonies à la liberté. Quant à ses intellectuels, ils faisaient l’expérience d’un contexte nouveau avec la rivalité, non seulement idéologique, mais également économique et sociétale, entre les deux Blocs. L’amalgame se faisait entre la lutte des ouvriers et celle des peuples, d’autant plus que les deux premiers décrets pris par Lénine, en 1917, condamnaient explicitement la colonisation. Il n’était alors pas aisé de savoir avec certitude si le jeune Richard Andriamanjato était le digne héritier du pasteur nationaliste Ravelojaona, ou une habile création de Moscou…
Sans aller jusqu’à dire que les dés étaient pipés dans l’inéluctable issue du cheminement vers l’indépendance – tout n’était qu’une question de temps -, la France avait déjà trouvé un profil idoine pour hériter en douceur de la direction du pays : celui de Philibert Tsiranana dont la famille n’avait comme concurrentes directes que celles des Zafimahova et des Velonjara. Les critères du choix ne pouvaient, en effet, pas être individuels, à l’occidental, mais rester dans le strict respect des schémas traditionnels malgaches.
Mai 1958 fut la date du grand Congrès réunissant à Toamasina toutes les tendances nationalistes, lesquelles décidèrent la constitution d’une délégation devant approcher le Général De Gaulle lors de son passage, et conduite par Richard Andriamanjato. Le dialogue pouvait se résumer en deux phrases : « Si nous votons NON, allez-vous vraiment nous donner notre indépendance   » Réponse : « Tout à fait, je vous donne tout de suite votre indépendance, mais n’attendez rien de la France, par la suite ».
Les résultats de la consultation organisée le 28 septembre donnèrent 77% au OUI à la Communauté française, et 22% au NON, dont plus de 50% à Antananarivo. Seize jours plus tard, soit le 14 octobre, la République Malgache, membre de la Communauté française, était proclamée à Andohalo. Sans ressources informatiques ou satellitaires, avec un réseau téléphonique poussif et des liaisons terrestres et aériennes très loin de pouvoir couvrir tout le pays, seize jours auront donc suffi pour collecter et exploiter tous les résultats, les faire monter à Paris, et porter en retour le nouvel Etat sur les fonts baptismaux ! Impossible n’est pas français. Quant à Madagascar, elle s’installait durablement dans la culture du OUI et des montages électoraux. C’était il y a cinquante-sept ans, « ce qui est arrivé arrivera encore. Ce qui a été fait se fera encore. Rien de nouveau ne se produit sur la terre ». Ainsi parlait l’Ecclésiaste …

Origine – Le plus Malgache des Réunionnais 

« L’histoire malgache est restée dans l’inconscient réunionnais », n’en déplaise à Mme Paoli serait-on tenté d’ajouter. Ainsi parlait Sudel Suma, tragiquement disparu en mer, cette année, et dont toute l’île avait pleuré la perte comme celle du dépositaire de sa mémoire collective. Il était vice-doyen chargé de la recherche et des relations internationales de la Faculté des Lettres de La Réunion, et à ce titre, il possédait sur le bout des doigts l’histoire de l’esclavage en général, et celui dans l’océan Indien en particulier. Le Code Noir y a été institutionnalisé en 1723, amenant à l’Île Bourbon des milliers d’esclaves malgaches, d’abord pour le café au 18è siècle, et pour la canne au 19è.
Sudel Fuma parlait souvent de 1674, bien avant le Code donc, et de la révolte des tribus de l’Anosy qui chassèrent les colons français de Fort Dauphin. Ceux-ci émigrèrent dans l’île voisine en emmenant avec eux quelques femmes malgaches dont Louise Tserana. Celle-ci fut d’abord l’épouse d’Antoine Payette avant de se remarier avec Etienne Grondin. Elle est donc une ancêtre directe des « petits blancs » qui peuplèrent des endroits aux noms bien malgaches comme Cilaos, Mafate, ou Salazies.
En 1777, Nicolas Mayeur témoignait que les deux-tiers des esclaves vendus sur la Côte Est malgache provenaient de l’Imerina. Infatigable fouineur, Sudel Fuma parvint à reconstituer sa propre généalogie jusqu’à son ancêtre Eugène dont la mère était arrivée de Madagascar, en 1785. Grâce aux feuilles de recensement, il retrouva même son signalement : taille moyenne, peau rouge, cheveux lisses. Un authentique Ambaniandro bon teint, pour tout dire…

 


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