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Bemiray –« Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière »

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Bemiray de ce samedi évoque, déjà, d’une certaine manière ce que l’on retiendra du passage de Barack Obama à la Maison Blanche. Que feront nos gouvernants des sans-abri, nos 4’mis, à la veille du sommet de la Francophonie   En attendant, les publicités sur les panneaux et les murs entiers sont constitués de plaies et de hideurs pour la capitale.

La ville de Baltimore a sombré dans de violentes émeutes,  en avril 2015 après la mort du Noir Freddie Gray, suite à une « bavure » policière.

La ville de Baltimore a sombré dans de violentes émeutes,en avril 2015 après la mort du Noir Freddie Gray, suite à une « bavure » policière.

Personnalité – Obama, une déception pour les Noirs ?

«Je veux qu’Obama gagne pour que sa femme soit la Première dame des États-Unis ». Ce coup de cœur, reflet d’une naïveté bien africaine où tout se peint en noir et blanc, était entendu dans les rues de Libreville à la veille du 4 novembre 2008. À une encablure de la fin de son dernier mandat, le premier Président «noir» de l’histoire des États-Unis est-il toujours considéré par cette Afrique des certitudes bon enfant comme un des siens   On se souvient de la question posée à la jeune chanteuse Aina Cook, lui demandant si elle se sentait « plus » Malgache ou « plus » Américaine. Avec la franchise de l’âge qu’elle avait alors, elle répondit : fifty/fifty. Obama, le métissé au tout premier degré, a eu l’élégance d’éluder le sujet, non seulement face aux Africains mais aussi et surtout face à ses compatriotes. Certains auraient difficilement supporté sa vérité : « je suis Noir et Blanc à égalité, cela vous arrangerait de l’oublier, mais c’est ainsi ».
Retour sur une enfance difficile où l’Afrique tient honteusement le mauvais rôle. Son Kenyan de père épouse Stanley Ann Dunham en 1960, alors que tous les deux sont étudiants à l’Université d’Hawaï. Barack voit à peine ce géniteur courant d’air, et très peu responsable, qui l’abandonne alors qu’il a à peine deux ans, pour partir au Massachussetts. Le couple divorce officiellement en 1964, un an avant le retour définitif du père au Kenya où il mourra d’un accident de la route en 1982. Difficile de croire que Barack ait pu aimer cet homme qui ne s’est jamais soucié de lui, et qu’il n’a presque pas connu. La vie de sa mère s’avérant plutôt tumultueuse, avec, notamment, une aventure sans lendemain en Indonésie, Barack se réfugie à 10 ans auprès de sa grand’mère blanche, qui devient son seul repère familial. Dans ce contexte, n’importe quel psychologue conclura sur la difficulté de concevoir l’existence d’une attache entre lui et une Afrique qu’il voit, pendant ses années les plus vulnérables, à travers le prisme d’un père indigne.
N’en déplaise aux Africains donc, Barack Obama est viscéralement Américain. Il plonge corps et âme en Américain dans ces  présidentielles de 2008 qui mettent à nu des tares du système, lesquelles n’auraient pas été aussi visibles entre concurrents de race blanche. Les coups tordus dignes des bananeraies africaines fleurissent, venant de ceux qui sentent venir des lendemains plutôt inquiétants. Dans les quartiers noirs de Philadelphie, des tracts avertissent les électeurs qu’ils risquent une arrestation en cas de contraventions non payées. En Virginie, ce sont des « avis » munis d’un pseudo-logo officiel, qui informent la population que, pour des raisons d’organisation, le 4 novembre sera réservé aux électeurs républicains, les démocrates étant, quant à eux, appelés à voter le lendemain. Au Nouveau Mexique, des femmes latinos ne parlant que l’espagnol sont menacées comme quoi leurs titres de séjour sont des faux. Dans le Nevada, des imposteurs « collectent » les intentions de vote par téléphone, et font croire aux plus crédules des pro-démocrates que cela peut les dispenser d’aller aux urnes.

Ségrégation
Un élément de poids en matière de lobbying électoral aux États-Unis est constitué par les églises évangéliques auxquelles appartient le candidat Obama, et qui, généralement, ne s’affichent jamais ouvertement car cela compromettrait leurs privilèges fiscaux. Elles représentent plus du tiers de l’électorat américain, et ont, par exemple, réussi en coulisses à littéralement pousser Jimmy Carter à la victoire. Pour avoir une idée de ce que peut être leur puissance, l’Université B. Jones de Caroline du Sud, qui fait tout passer par le filtre de la foi chrétienne, possède sa propre centrale électrique et ses propres avions, dont elle forme elle-même les pilotes. Il ne faut pas non plus oublier les faiseurs d’images qui travaillent dans l’ombre avec une redoutable efficacité. Pour Barack Obama en 2008, le rôle est dévolu à David Axelrod qui, raconte-t-on, est durant toute sa campagne la dernière personne avec qui il discute avant de se coucher, et la première qu’il appelle en se réveillant. Mauvais temps pour Michelle qui réussit, néanmoins, à se faire une raison…
Ce qui est ressenti par les Noirs comme son échec le plus patent, à moins qu’il ne s’agisse d’un manque manifeste d’intérêt pour la question, est la persistance de l’inégalité de traitement des Blancs et des Noirs devant la police. S’ajoutant à une déjà très longue liste, on citera, à titre d’exemple, le nom de Freddie Gray, mort le 19 avril 2015 des suites de ses blessures infligées par la police de Baltimore. Après quelques manifestations pacifiques, la ville sombre dans de violentes émeutes ayant surtout pour cadre les quartiers les plus défavorisés. Dans son livre The new Jim Crow, Michelle Alexander va jusqu’à affirmer que la ségrégation n’a jamais été vraiment abolie, et qu’elle a seulement mué pour donner naissance à un système moins cru, moins choquant. Le journaliste Ta Nehisi Coates partage cet avis dans un ouvrage qu’il a intitulé Une colère noire, paru en français. En Afrique, ce n’est pas la colère, mais la fermeture
désabusée, et pour longtemps, de l’illusion d’une parenthèse noire à la Maison Blanche. Il ne peut en être autrement, quand on pense qu’en matière de déplacement du Président « afro-américain » à bord de son Air Force One, le continent n’a jamais eu droit qu’à la portion congrue.

Des panneaux publicitaires tapissent les murs  des immeubles.

Des panneaux publicitaires tapissent les mursdes immeubles.

Air du temps – Une publicité envahissante

Fipoahana ara-bola, Rallye de miracle, Délivrance de haute dimension … les aires d’affichage sauvage de la capitale se disputent âprement entre les adeptes de la musique tropicale et ceux de la prospérité immédiate. Des églises qui, il y a quelques années, faisaient figure d’avant-gardistes sont devenues de vénérables institutions, bousculées par de nouvelles venues encore plus portées sur le spectacle, et n’hésitant pas à placer le bouchon le plus loin possible. Le phénomène n’est pas seulement malgache, puisque dans un petit pays comme le Togo, il a été recensé plus d’un demi-millier d’associations cultuelles. Leurs dénominations sont un trésor d’imagination allant de l’Église céleste à la Mission d’intervention rapide de Jésus, en passant par le Ministère de la montagne, du feu et du sang… Mais au Togo comme à Madagascar et ailleurs, l’amalgame est à éviter entre, d’une part, le courant évangélique dans son ensemble, dont les maître-mots sont la foi et la louange, et le foisonnement de communautés entretenant une conception quasi-magique de Dieu, et se faisant fort de savoir lui forcer la main.
De nombreuses grandes villes dans le monde sont particulièrement intransigeantes sur cette question de la prolifération incontrôlée de la publicité. À New York, par exemple, il fut un temps où les autorités municipales ont estimé que plus d’un tiers des dispositifs d’affichage, non seulement étaient illégaux, mais occasionnaient un énorme gaspillage d’énergie. En France, des commandos anti-pub revendiquent périodiquement des actions musclées allant du taguage au démontage pur et simple des panneaux. Des associations par contre légales comme Paysages de France se chargent de rappeler régulièrement aux services publics les dispositions de la loi de 1979 sur la publicité extérieure. C’est ainsi qu’il est arrivé au tribunal de Rennes de condamner l’État cinq fois dans une même journée pour des questions d’affichage géant. Durant la même période et dans le cadre d’une politique d’assainissement, des villes comme Marseille ou Paris ont envisagé une réduction pouvant atteindre 30% du nombre de panneaux dans les rues.
Antananarivo, pour sa part, nage, actuellement, dans l’anarchie la plus totale et du plus mauvais goût, comme si une ville n’était pas un patrimoine communautaire sur lequel il importe de veiller, y compris dans son apparence et son identification visuelle. On a vu des murs d’habitations se reconvertir en supports publicitaires criards et particulièrement agressifs. Ce stade est apparemment dépassé, puisque ce sont maintenant des maisons entières, parfois même des immeubles à plusieurs étages, qui cèdent à
l’argent facile, et se mettent au jaune pétillant ou au rouge sanguinolent. Un festival de laideur et de couleurs à vous donner la nostalgie du temps de nos aïeux, quand Iarivo portait le doux qualificatif d’Analamanga, « la forêt… bleue».

Le Père Pedro s’est insurgé  contre l’attitude de certains représentants des bailleurs  de fonds.

Le Père Pedro s’est insurgé contre l’attitude de certains représentants des bailleurs
de fonds.

Inégalités – On vaincra les pauvres…

Bénarès, alias Varanasi, sur les rives du Gange. Que le touriste, dans certains quartiers, s’aventure à prendre l’air juste au coin de la rue, dans le crépuscule tombant. Il sera happé jusqu’à l’étouffement par les mendiants, les vendeurs à la sauvette, les enfants tirant sur leur morve gluante. Rares sont les endroits où l’on subit pareille agressivité miséreuse. Dans les eaux du fleuve sacré, les fidèles s’immergent, se massent, prient, boivent l’innommable cloaque au mépris de toute considération d’hygiène. Au Manikarnika ghat, les bûchers d’incinération des morts crépitent en permanence. Les riches utilisent du bois de santal, les pauvres du bois de n’importe quoi, quitte à ne pouvoir brûler les cadavres qu’à moitié. Paradoxalement, ce paysage social est ici des plus normaux, l’hindouisme ne pouvant s’imaginer sans ses maharajah et ses intouchables. Ce n’est pas pareil ailleurs.
Michaelle Jean a dit vrai quand elle a affirmé que le Sommet de la Francophonie serait la fenêtre de Madagascar ouverte sur le monde. Mais que lui montrera-t-on au juste à ce monde   À la limite, ici comme en Haïti, la pauvreté n’est pas honteuse. Ce qui l’est, c’est de n’avoir rien fait, ou rien voulu faire, ou rien réussi, pour l’atténuer. Dans son livre Combattant de l’espérance, le Père Pedro laisse éclater sa colère :
« Père Pedro, nous voudrions vous associer à notre réflexion visant à déployer une méthode d’identification des vrais pauvres à Madagascar ». Une heure fut nécessaire rien que pour définir le profil d’un expert qui viendrait sur place. Les palabres ont continué pour déterminer quel salaire allait lui être versé, de quelle nationalité il devait être… Identifier les vrais pauvres, quelle idée ! Et qui sont donc les faux ?
(…) Un autre jour, c’est une lettre qui m’a fait voir rouge. « Dans le cadre du processus de prise en compte de la protection sociale dans les stratégies de réduction de la pauvreté à Madagascar, j’ai l’honneur de vous demander de faciliter les démarches de M. Untel, consultant chargé de mener cette étude ». Les bailleurs de fonds résident et reçoivent toujours dans les grands hôtels. Pour inaugurer cet atelier sur la protection sociale, nous n’avons pas échappé à cette règle. L’expert y est allé de ses invocations habituelles, et nous de nos plaintes et griefs. Une sorte de dialogue de sourds qui en a fait exploser quelques-uns, compris moi : « Nous sommes fatigués de vos enquêtes qui ne font que répéter ce que nous savons depuis quinze ans sur l’île. Avant d’écrire et d’interroger, monsieur, contentez-vous d’abord d’observer. À cent mètres d’ici, la pénurie crève les yeux. Alors ouvrez l’œil, au lieu de nous rabâcher toujours la même litanie. Les pauvres sont partout, mais peut-être n’êtes-vous pas prêt à voir la misère, ce fléau qui apparemment vous passionne tant   »

Le tunnel d’Ambohidahy, le dortoir  par excellence des 4’mis.

Le tunnel d’Ambohidahy, le dortoirpar excellence des 4’mis.

« Rafle »
Février 2016, c’était hier. Les autorités, le ministère de la Population en tête, ont procédé à ce qui ressemble bien à une répétition générale de ce qui se passera à la veille du fameux Sommet-fenêtre-de-Madagascar-sur-le-monde : une rafle de toute la faune miséreuse des rues, notamment tous ceux qui dorment sous les tunnels, pour les parquer on ne sait où. Faute d’avoir éradiqué la pauvreté, il faut cacher les pauvres. Ces gouvernants oseront-ils aller aussi loin que ceux de la Deuxième République dans ce qui ressemblait alors à un génocide   La parole à Martine Brousse d’Enfance et Partage, reprise par la presse française en mars 1987 :
« Des centaines de jeunes mendiants sans famille et sans abri, raflés dans les rues, sont rassemblés dans de véritables mouroirs d’enfants, parqués comme des animaux, sans soins et pratiquement sans nourriture. Les plus de six ans sont sous la garde de quelques pompiers dans les anciens abattoirs. Pour nourrir ces 260 enfants, qui sont dans un état de faiblesse extrême, les autorités ne fournissent que 53 kg de riz et un kilo de viande par jour. Il n’y a aucun soin, aucune hygiène. Une vingtaine de ces enfants étaient en train de mourir de malnutrition et de maladie par terre, sur des paillasses. La situation des plus jeunes n’est pas meilleure. Ceux que nous avons pu voir étaient assis par terre dans une grande salle. Ils n’avaient pas la force de lever la tête. Avant notre visite, chacun avait reçu un quart de cuiller de lait en poudre, délayé dans un bol d’eau. Lorsque nous leur avons distribué du pain, du chocolat, et des bananes dont ils ont mangé la peau, ils se sont mis à crier ».
Nietzsche avait cette sentence terrible : « Périssent les faibles et les ratés, et qu’on les aide à disparaître ». Aujourd’hui encore et malgré l’âge, le Président-qui-chante-faux n’oublie jamais de ressasser son credo : Non, je ne regrette rien…

 

(FILES) A file photo taken on July 12, 2001 shows then-General secretary of the African Union Amara Essy in Abidjan. The African Union on February 9, 2009 announced it was sending Essy to Madagascar following the February 7 police shooting of opposition supporters that left 28 dead and drew international condemnation. Essy is to evaluate the situation of the Indian island nation following the power struggle opposing President Marc Ravalomanana and opposition leader Andry Rajoelina.  AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO / AFP PHOTO / AFP FILES / ISSOUF SANOGO

Rétro pêle-mêle

Amara Essy aux anges. À l’occasion du retour de Madagascar au sein de l’Union africaine après les évènements de 2002, une partie de l’allocution d’Amara Essy a été reprise par RFI où on a dû se tordre de rire hors antenne : « Nous sommes heureux d’accueillir officiellement parmi nous cette personnalité à l’esprit et au visage angélique ». Quelques années plus tard, des leaders politiques et religieux malgaches de premier plan ont, au contraire, soupçonné, document à l’appui, la « personnalité angélique » en question d’avoir passé un deal avec un certain…ange déchu dont il serait inconvenant de dire ici le nom.

Des billets (pourtant) made in Germany. Premiers mois de l’année 2004, les beaux billets de banque tout neufs, commandés en Allemagne, donnent déjà des signes de vieillissement précoce. La raison   Le Rhin n’est pas l’Ikopa, là-bas les bouchers ne touchent pas l’argent, mais vous prient de payer à la caisse. Quant aux charbonniers, c’est une population qui a déserté le circuit depuis des siècles. En un rien de temps, le filigrane blanc a disparu sous une belle couche de crasse, escamotant l’hologramme de la jolie bande métallique. Plus grave, les billets réputés infalsifiables voient déjà circuler des imitations plus que parfaites. Serait-ce ce qu’on appelle le « génie d’un peuple »

Un ambassadeur-étudiant. Haut magistrat parachuté dans la diplomatie, l’ambassadeur de Madagascar au Canada  décide d’occuper son temps libre en retournant à l’université. S.E. M. Florent Rakotoarisoa s’est, en effet, inscrit à l’Université de Sherbrooke pour un doctorat de troisième cycle dans la filière « Droit international et relations diplomatiques». L’initiative est louable, même si certains peuvent arguer de sa difficile compatibilité avec son accréditation auprès d’un grand pays comme le Canada. L’ambassadeur était, auparavant, membre de la Haute cour constitutionnelle, et secrétaire général du ministère de la Justice.


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