Elles sont les principales chevilles ouvrières de la lutte contre la malnutrition. Les agents communautaires de la nutrition sont choisis parmi et par les membres de la population.
Peser des enfants. Donner des conseils nutritionnels. Voilà des tâches qui semblent a priori faciles. C’est pourtant loin d’être le cas. Les agents communautaires de nutrition (ACN) sont des femmes qui doivent faire preuve de beaucoup de patience pour convaincre les familles de changer leurs habitudes alimentaires et d’améliorer la qualité de leurs rations alimentaires. Car même lorsque les familles veulent bien les écouter et se montrent prêtes à appliquer les conseils de ces agents, elles n’ont pas toujours les moyens de faire plus qu’elles ne font déjà.
Les services des ACN sont pourtant plus qu’indispensables pour sortir la moitié des enfants malgaches du cycle infernal de la malnutrition. Ce sont elles qui détectent au niveau des communautés les premiers signes et les manifestations de la malnutrition. Grâce à leurs conseils et à leurs actions, les familles devraient apprendre à varier et à diversifier leur alimentation. Car l’absence de variété dans l’alimentation est la principale cause des grandes carences en micronutriments et partant, de la malnutrition, notamment la malnutrition chronique.
Mises en place au début des années 1990, durant la première phase du projet « Sécurité alimentaire et nutrition élargie » ou Secaline (1992-1998), ces femmes ont été formées pour offrir des services essentiels en nutrition. Cela consistait notamment en des activités de suivi et de promotion de la croissance, des séances d’éducation nutritionnelle, des démonstrations culinaires, des activités pour la sécurité alimentaire des ménages, des visites à domicile.
Bénévoles
Choisies parmi et par les membres de la communauté, elles sont particulièrement appréciées pour leur leadership au sein des villages où elles travaillent. La reconnaissance de leur abnégation est telle que lorsque le besoin d’une personne capable de faire de la mobilisation sociale au sein de la société se fait sentir, ce sont les ACN qui sont appelés. Il n’est donc pas rare de les voir assurer également la fonction d’agents communautaires pour les centres de santé, la Croix Rouge ou d’autres projets.
Travaillant de manière bénévole, les agents ne perçoivent souvent que des indemnités leur permettant de couvrir les frais nécessaires à leurs activités. Lorsqu’elles sont « fatiguées » ou ne peuvent plus assurer leurs fonctions, elles peuvent démissionner. Néanmoins, celles qui les remplacent, doivent toujours être adoubées par la communauté.
Cela fait plus de vingt ans que les ACN existent. La situation nutritionnelle n’a pourtant pas connu une amélioration spectaculaire. Les crises politiques traversées par le pays ont, à chaque fois, apporté un coup d’arrêt aux actions menées contre la malnutrition. Comme toujours, ce sont les plus vulnérables qui en paient le plus lourd tribut. La situation nutritionnelle des ménages empire après chaque crise.
Des ACN aux ACDN
Afin d’améliorer le paquet de services offert par les ACN, des études sont actuellement en cours. Cent agents communautaires de développement et de nutrition (ACDN) ont ainsi été recrutés dans le cadre de ces études, à raison de vingt agents par région sur les cinq zones d’intervention du projet Pausens de la Banque Mondiale. Ce sont les région d’Amoron’i Mania, Matsiatra-Ambony, Vatovavy-Fitovinany, Atsimo-Atsinanana et Androy.
Les ACDN de traitement 1 (T1) ont pour mission de faire du counseling intensif à raison d’environ deux visites à domicile par jour, soit une soixantaine par mois. Leur activité consiste à aller vers les mères pour renforcer les messages véhiculés au site PNNC. En théorie, les rendez-vous devraient être pris pendant le passage de ces mères au site pour la pesée mensuelle. L’ACDN assiste l’ACN pendant ces séances.
Les ACDN de traitement 2 et traitement 3, outre le counseling intensif, sont chargés de distribuer de la supplémentation en LNS Kalina. Le LNS Kalina est un supplément alimentaire riche en lipides, vitamines et minéraux, qui peut être mangé tel quel, mais surtout ajouté au repas habituel. L’objectif de cette étude consiste à voir l’effet de cette supplémentation sur l’état nutritionnel des enfants de moins de vingt quatre mois, son impact dans la lutte contre le retard de croissance, l’apport en fer et le développement cognitif. De plus, l’étude évaluera le processus, tant dans sa conception et son application que dans son efficience et l’absence ou non d’effets indésirables du LNS Kalina.
Les ACDN T2 donnent surtout des Kalina Zaza pour les enfants de six à dix huit mois qui ont une courbe de poids inférieure à la normale. La distribution est hebdomadaire, à raison de deux sachets de 10g par jour, soit quatorze sachets par semaine. Afin d’éviter les reventes par les mères, celles-ci doivent ramener les sachets vides à l’ACDN avant de recevoir une nouvelle ration. L’agent les détruit discrètement pour ne pas attirer les parasites, tels que les rats ou les cafards.
Les ACDN T3 font tout ce que les T2 font, mais elles distribuent également des Kalina Reny aux mères enceintes et allaitantes (jusqu’au 6e mois de l’enfant). Pour les mères, la ration est d’un sachet de 40g par jour, soit sept sachets par semaine.
Équilibre
Pour beaucoup, la nutrition et l’alimentation sont deux synonymes désignant la même chose. Même si les deux termes concernent la nourriture, l’alimentation consiste à donner de la nourriture, sans autre considération. La nutrition, par contre, met l’accent sur l’équilibre entre la quantité et la qualité de ce que l’on mange et même la façon dont on le mange.
La faim qui interpelle et celle qui se cache
Pour faire simple, la malnutrition est une mauvaise nutrition. Il en existe plusieurs formes. La plus connue est la malnutrition aigüe sévère, celle qui interpelle souvent les médias. Qui n’a pas soupiré devant les images d’enfants affamés, émaciés pendant les Kere dans le Sud Des actions ont été menées par l’État avec ses nombreux partenaires pour faire face à ces épisodes dramatiques et – hélas – récurrents.
Sans dénier la gravité de la malnutrition aigüe sévère, ce n’est pourtant pas le plus grave problème de malnutrition à Madagascar. La malnutrition chronique qui touche plus de 50% des enfants dans l’ile, est plus insidieuse et plus dangereuse. Elle est partout sans créer la moindre inquiétude de la part des parents. Les victimes ne se plaignent pas de la faim car leur estomac est bien calé par… un énorme plat de riz. Ce manque de variété dans l’alimentation crée de grandes carences en micronutriments.
Or, les manifestations de la malnutrition chronique sont le retard de la croissance physique, mais surtout un retard mental. Un enfant malnutri chronique pourra paraître normal, mais aura une taille plus petite que la normale et sera attardé en milieu scolaire. Malheureusement, à Madagascar, l’on croit que c’est héréditaire.
Si la malnutrition chronique perdure, c’est l’avenir du pays tout entier qui sera hypothéqué car, dans quelques années, 50% des adultes auront des défaillances mentales. Voilà pourquoi l’œuvre pour la nutrition est indispensable à Madagascar, et comme pour toute action pour le changement de comportement, cette action est de longue haleine et nécessite un effort continu.
Page réalisée en collaboration avec l’Office national de nutrition (ONN)