Le court-métrage « Wrong Connection » d’Ando Raminoson et de Colin Dupré, fait déjà un buzz monstre avant même sa sortie prochaine.
Quel est l’historique de ce projet ?
Colin : À la base, l’idée de ce projet nous est venue d’un constat simple, le lac Anosy est très sale et pollué. Comme on aime beaucoup rire ensemble, on a passé beaucoup de temps à imaginer énormément d’histoires plus farfelues et loufoques les unes que les autres autour de ce plan d’eau. Avec le temps, peut-être une année, ça a fini par se préciser un peu plus. On a trouvé une idée de scénario et on s’est alors dit qu’il fallait absolument qu’on en fasse un court-métrage. Alors nous nous sommes mis à écrire sérieusement, tout en gardant la dose d’humour et d’absurdité qui était à l’origine de l’idée.
Ando : Après avoir écrit le scénario en juillet 2015, il nous a fallu huit jours de tournage répartis sur trois mois environ. Maintenant, le court-métrage est en post-production depuis le mois de janvier.
Au vu du scénario (action – film d’espionnage), pourquoi avez-vous choisi le format « court-métrage Et quelle est la durée exacte du film ?
Colin : Le scénario est articulé autour de trois genres, le film d’action, le film d’espionnage et la comédie. Il y a beaucoup d’humour dans ce film. Le format du court-métrage s’est imposé à nous de manière naturelle. Pour faire un long-métrage, cela prend du temps et coûte excessivement cher. Or, nous n’avions ni le temps ni l’argent. Alors, nous avons choisi de raconter notre histoire dans un court- métrage. Et puis, le film en lui-même répond à un concept que nous ne pouvons pas encore révéler, mais qui ne pouvait être réalisé que sur un format assez court. Le film durera une dizaine de minutes.
Ando : Nous tournerons un long-métrage lorsque le cinéma deviendra un vrai secteur d’activité, à Madagascar. Lorsque des boîtes de production cinématographiques verront le jour et pourront embaucher, former, payer les gens à faire des films, à l’instar des boîtes de communication actuelles. La réalisation d’un long-métrage peut prendre plus d’un an parfois, alors vous vous imaginez travailler un an sans être payé Pour l’instant, le court-métrage est le format le mieux adapté à nos budgets et à nos disponibilités. En tout cas, il permet certainement d’avoir un pied dans l’univers du cinéma, et puis ce n’est pas la taille qui compte (rires).
Le film traite d’un genre de thématique qu’on ne rencontre pas du tout dans les productions malgaches…
Ando : C’est le premier blockbuster produit à Madagascar. Même s’il ne s’agit que d’un court-métrage, l’esprit des blockbusters hollywoodiens y est présent. Si déjà le public le ressent, c’est qu’on a réussi notre film. J’ai déjà tourné un film de science-fiction et un polar mystique sur les dahalo. Wrong Connection est dans la continuité et c’est certainement le plus abouti. Colin et moi, avons la volonté de montrer aux gens que les cinémas malgache et africain peuvent traiter d’autres thèmes que des drames sociaux et des problèmes économiques.
Colin : Nous pensons que les gens n’ont pas envie qu’on leur montre leurs problèmes en donnant des leçons. Ils connaissent leurs propres difficultés, et ils n’ont pas besoin qu’on les leur explique. Par contre, on s’est dit qu’ils auraient certainement envie d’en rire et de s’en moquer. Le divertissement ne doit pas nécessairement venir d’Hollywood, on peut tout à fait faire cela ici. Là où l’on se différencie certainement des autres productions malgaches. Nous avons souhaité proposer quelque chose de différent au public malgache, afin de lui donner envie, à long terme, de revenir dans les salles de cinéma et de relancer ce secteur.
Que révèle le synopsis de votre court-métrage ?
Ando : Le synopsis raconte que le gouvernement malgache effectue des tests biologiques et finit par trouver la recette d’une bombe avec des ingrédients complètement loufoques. Étant donné que Madagascar n’est en conflit avec personne, le pays n’a pas besoin d’une telle arme. Donc, le gouvernement décide de la vendre au plus offrant. C’est un peu l’histoire d’une découverte due au hasard. La vente se fait aux enchères.
Colin : L’idée du film consiste à reprendre les clichés des gros blockbusters américains, et de s’en moquer. C’est pour cette raison que nous avons choisi d’intégrer le personnage de Tina, l’agent de la CIA. Évidemment, un espion à New York ne travaille pas comme à Antananarivo. Alors on a essayé d’imaginer ce que cela donnerait de transposer les éléments caractéristiques du film d’espionnage, ici à Madagascar. Cela donne beaucoup de scènes rocambolesques et drôles.
Qu’espérez-vous exactement au-delà de ce projet ?
Colin : Nous avons voulu faire le film que nous rêvions de voir en salle ici. Le portrait décalé que l’on fait de la capitale est une manière de voir les choses autrement, sans forcément être larmoyant ou pessimiste. On s’est dit que l’on pouvait parler de la vie quotidienne à Tana de manière humoristique.
Ando : Wrong Connection est juste un pur divertissement sans aucun message profond. Je ne fais pas du cinéma pour changer la société, mais pour le public. Pour moi, la scène cinématographique nationale stagnera encore un long moment parce qu’on attend de l’argent et l’implication de l’État pour que ça change. L’aide de l’État n’est pas prête d’arriver, et encore moins l’argent. Certains l’ont compris et vont le chercher ailleurs. D’un autre côté, le besoin d’argent dans le cinéma est nécessaire, mais pas suffisant. Ce qui compte, ce sont de bons scénarii et de bonnes idées. Lova Nantenaina avait raison quand il a dit : « Le réel est tellement incroyable, ici, qu’on n’ose pas le restituer dans une fiction. »
Comment se fera la diffusion du court-métrage, sachant que le piratage est monnaie courante et qu’apparemment il sera, probablement, déjà diffusé aux Rencontres du film court ?
Colin : Le piratage n’est malheureusement pas une exclusivité malgache. En revanche, l’une des caractéristiques locales est l’inaction totale des pouvoirs publics face à ce fléau. La diffusion du court-métrage se fera en salle dans un premier temps, en particulier durant les Rencontres du Film Court (ndlr : du 15 au 23 avril). Nous pensons que le piratage ne nuira que très peu à la diffusion du film parce que nous ne sortirons de DVD que bien après la diffusion en salle. Mais surtout parce qu’un film d’action comme celui-ci, pour grand écran, ne donne pas le même effet quand on le regarde sur un écran de télévision..
Comment s’est fait le choix du casting, de la production et du tournage ?
Ando : Nous avons demandé aux meilleurs dans leurs domaines respectifs de travailler avec nous pour avoir le meilleur résultat possible : Éric Ranaivoson, le meilleur monteur-truquiste de Tana, Nathie Randiantsalama la meilleure maquilleuse effets spéciaux de Tana, Hasina Andriamaromihaja, un jeune cadreur très talentueux, Bashy Ramilijaona de GassCreative dont la réputation n’est plus à faire.
Colin : Le casting a pris un peu de temps, environ deux mois. Et il s’est affiné aussi pendant le tournage. Certains des acteurs ne sont pas acteurs professionnels, c’est le cas de l’actrice principale Mirana Rabarisoa, par exemple.Mis à part le célèbre Gégé Rasamoely, Bovalox et le YouTubeur NirinA, sont des amateurs. Le choix de l’actrice pour interpréter l’agent Tina était à priori le plus délicat puisqu’il s’agit de l’héroïne du film. Mais lorsque nous avons discuté avec Mirana, cela nous a semblé rapidement évident. Et Mirana incarne à merveille ce personnage complexe. Le court-métrage repose énormément sur sa prestation. Nous avons écrit les autres rôles en pensant aux comédiens qui allaient les interpréter, parfois avant même qu’ils acceptent de se prêter au jeu (rire). Le petit bonus c’est la participation de guests stars, à savoir NirinA, très connu sur internet pour ses vidéos YouTube et Lova Nantenaina, réalisateur du célèbre documentaire Ady Gasy.