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Bemiray –« Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière »

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La psychose du terrorisme islamique est abordée par Tom Andriamanoro dans la chronique de ce jour. Il termine la rétrospective sur la compagnie Air Madagascar en évoquant ses heurts et malheurs. Enfin, le rêve en se remémorant d’Akanin’ny Nofy au temps de sa splendeur.

Terrorisme-La peur du voile

Elan de solidarité après le massacre des journalistes de Charlie hebdo,  en janvier 2015.

Elan de solidarité après le massacre des journalistes de Charlie hebdo,
en janvier 2015.

La psychose de l’attentat n’est plus ce qu’elle était. On est loin du meurtre de la bien imprudente ministre suédoise des Affaires étrangères, Anna Lindh, poignardée de plusieurs coups de couteau par un inconnu « de type suédois » alors qu’elle faisait ses courses dans un supermarché de Stockholm. Même l’opération Charlie Hebdo, bien ciblée, a prématurément pris de l’âge. Une nouvelle culture du crime à message politique est née, s’inspirant du 11 septembre, dans laquelle la victime potentielle a, désormais, un nom à faire frémir : Monsieur, madame, ou même l’enfant Tout-le-Monde. N’importe qui, n’importe quand, et n’importe où.
Dans les villes européennes, l’élan humanitaire né du raz-de-marée de réfugiés, notamment syriens, l’émotion devant la photo du petit Allan mort si près du but sur une plage, tout cela a fait son temps. La peur des islamistes et, plus à tort qu’à raison, des musulmans est entrée dans le quotidien, comme en témoigne la causerie organisée par l’Institut Ipsos dans les locaux de l’Obs. Autour de la table, des citoyens tout à fait ordinaires dont le seul recours est, désormais, de voter Front National, chose qu’ils n’ont jamais pensé faire de leur vie.

La sécurité dans les transports publics ?

« Il y avait une jeune femme avec un niqab et son Coran en face de moi dans le métro. Je me disais : elle peut dissimuler plein d’explosifs et faire sauter toute la rame. J’ai eu super peur ».

Les ministres à double nationalité ? 
« Belkacem, elle, a la double nationalité, alors je suis désolée, mais elle n’a rien à faire au gouvernement ! »

Les migrants  ?

« On me dit que c’est la guerre là-bas, mais quand c’est la guerre, c’est les femmes et les enfants qui partent en premier. Là, il n’y a que des hommes qui arrivent. Moi, ce que j’ai toujours dit, c’est l’armée de Daech qui est rentrée, on ne les entend plus, et on ne sait plus où ils sont. D’ailleurs, pourquoi ne sont-ils pas allés au Qatar ou en Arabie Saoudite   »

L’école ? 

« J’ai une collègue de travail qui a un petit garçon de 5 ans. Un soir, il rentre de l’école et lui parle d’un copain en disant : c’est mon frère, alors qu’il est fils unique. Sa mère est étonnée et lui demande : C’est ton frère   Le petit répond : Oui, c’est mon frère, on est tous frères ! Je n’en revenais pas, ce n’étaient pas des Français, mais des petits Blacks et des petits musulmans. Vous vous rendez compte ! »
L’islam ? 

« Pour moi, en France, en Europe, et dans le monde, le problème numéro un, c’est l’islam. Je ne supporte plus trop qu’on me dise et redise, depuis des lustres, de ne pas faire d’amalgame entre les musulmans modérés et les djihadistes. Certes, les musulmans modérés ne sont pas salafistes ou djihadistes, mais tous les salafistes et djihadistes sont musulmans… Dès que l’on critique un minimum, on est tout de suite taxé de xénophobie et d’islamophobie. Mais non, c’est à eux de s’adapter à nous et pas l’inverse »

Les kamikazes ?

« Là, on entend des Abdou machin, mais un jour, ce sera peut-être un Cédric ou un Patrick qui se fera sauter dans le métro ».
Ils sont combien   « Les chiffres sont fantaisistes. Dans le métro, on voit neuf nationalités différentes avant de croiser un Européen »

Marine Le Pen  ?

« Ce qui la différencie, c’est qu’elle ose dire les choses. Quand un musulman fait une connerie, elle ne va pas dire : C’est un jeune Français. Elle n’utilise pas de périphrase, elle n’a pas peur d’être taxée de racisme. C’est rafraîchissant ». Ce n’est pas pour autant que tous la voient à l’Elysée en 2017 : « Elle ne sera jamais au pouvoir. Elle est seule contre tous, comment voulez-vous qu’elle y arrive   »

Inquiétude
Un seul parmi les participants à cette séance de thérapie collective a su garder sa raison. « Ce que j’ai entendu m’affole. C’est l’extrême droite raciste qui n’a pas changé. Je veux une droite forte mais républicaine. Je ne voterai pas FN ».
Une affiche de la Jeunesse FN clame son ras-le-bol sans détour, illustré par le visage d’une femme en colère, grimée en bleu-blanc-rouge comme au Parc des Princes : « Assez de racisme anti-Français. ON EST CHEZ ! »
La question se pose, qui mérite réflexion : tout peuple ou groupe social, acculé à se sentir étranger dans son propre pays, n’est-il pas condamné à avoir le même raisonnement   Que pensent en leur for intérieur les expulsés d’Ankadimbahoaka ou d’ailleurs, devant la boulimie immobilière de certaines méga-sociétés indo-pakistanaises, et qui oserait le leur reprocher  Et si en chacun de nous sommeillait à notre corps défendant un FN
Sur le plan strictement religieux, l’inquiétude de beaucoup de milieux chrétiens malgaches devant les avancées de l’islam est réelle, et on y parle même parfois d’accords secrets avec certains milieux officiels. Vrai, faux   Un pays comme le Sénégal doit une grande partie de ses infrastructures routières aux subsides de la Conférence islamique. Qu’est-ce qui empêcherait cette dernière d’investir dans un pays « neuf », d’autant plus qu’historiquement parlant, ledit pays a été touché par l’islam bien avant le christianisme
Toutes ces interrogations convergent sur la technique des voleurs chinois, telle qu’elle est expliquée par Jean-Marie Le Pen lui-même : « Ils arrivent petit à petit, ils avancent un peu, d’un mètre, de deux mètres, et à la fin, on ne s’en est pas rendu compte, mais ils sont au cœur de la maison ». Futé, le patriarche …

Les promenades en bateau sur le Canal des Pangalanes étaient très prisées.

Les promenades en bateau sur le Canal des Pangalanes étaient très prisées.

Nostalgie – Akanin’ny Nofy et le Canal des Pangalanes

« Bénis O Zanahary/ cette terre de nos ancêtres/ Qu’elle soit prospère, qu’elle connaisse la paix/ Et nous serons tous heureux… » Il est 8 h ce lundi matin à l’école du village d’Ampahantany, à deux pas  d’Akanin’ny Nofy. Dans la cour, les élèves procèdent au rituel du salut au drapeau, suivi de l’hymne national. Boogie Pilgrim, propriétaire du Bush House tout proche, a construit cette école en 1994 avec le soutien de l’ambassade d’Allemagne. Aujourd’hui, elle est totalement autonome.
Ici, la vie aurait pu s’arrêter avec les ensablements chroniques du Canal des Pangalanes, et surtout quand il n’a plus été possible aux paysans d’écouler leurs produits par le train. Mais des volontés se sont battues pour qu’elle continue, dans ce coin de paradis oublié de la modernité et de sa cavalcade. Ici et là se trouvent encore des vestiges des années 60, quand Akanin’ny Nofy était un lieu de villégiature présidentielle : les restes d’un hôtel avec la carcasse de son groupe électrogène, des poteaux télégraphiques égarés en pleine forêt, un prolongement de rails menant jusqu’au bord du lac d’Ampitabe, la troisième du Canal en terme de superficie. C’est sur ce très beau plan d’eau que les touristes s’adonnent en toute sécurité aux loisirs nautiques, l’océan ne s’y prêtant pas, comme c’est souvent le cas sur la côte est. Il n’est pourtant qu’à quelques mètres, de l’autre côté d’une étroite langue de terre.
L’accès le plus confortable demeure Manambato, à sept km de la Nationale 2 sur les bords du lac Rasoabe, d’où partent les navettes en vedette rapide. Pour vivre heureux, Manambato vit enfouie dans la végétation sans pour autant détester les vagues de vacanciers qui l’assaillent soit pour elle-même, sa forêt, et son lac mythique, soit pour une continuation jusqu’au « Nid de rêve » plus coté dans les guides. Le séjour à Akanin’ny Nofy se caractérise par une saine immersion dans la nature qui attire en premier lieu les Anglo-saxons, des promenades fluviales aux flâneries dans la réserve du Palmarium qui s’étend sur plus de 60 ha. Pleuvra-t-il demain   Qu’à cela ne tienne, un bon K-way et le tour sera joué ! La pluie n’a jamais empêché les randonnées en forêt, c’est même en ces moments-là que toute la nature est en éveil. Quant à l’électricité, il faut savoir se contenter de quelques heures, chaque soir. C’est plus qu’il n’en faut pour se raconter sa journée, et ses plans pour le lendemain. Contrairement à ceux qui se plaignent, ce qui fait la valeur ajoutée d’Akanin’ny Nofy, c’est au contraire cette indéfinissable sensation d’être oublié du monde, ou de le revivre en privilégié à l’aube de la Création. Il y eut un soir, il y eut un matin…

La dernière acquisition d’Air Madagascar, l’ATR 72-600, exploité en leasing.

La dernière acquisition d’Air Madagascar, l’ATR 72-600, exploité en leasing.

Transport aérien – On m’appelait le Voron-tsara dia – Culture d’entreprise et yield management
L’année 1986 voit l’arrivée à la direction générale d’Air Madagascar d’une très forte personnalité, celle de René Rasata Rainiketamanga. Cet ingénieur de l’aviation civile est en terrain connu, de par ses précédentes responsabilités de représentant de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA). Il présente, de ce fait, le meilleur profil pour faire face à de nouveaux défis, et à un contexte qui n’est pas nécessairement resté le même. Un nouvel envol, en quelque sorte, symbolisé par l’ouverture, cette même année, de l’escale de Zurich.
Il n’est de richesses que d’hommes. Le nouveau directeur général, un technicien de haut niveau, certes, mais aussi un pédagogue passionné de marketing et d’économie, inscrit parmi ses priorités l’optimisation des ressources humaines de la Compagnie. La qualité est indéniablement là, mais un peu moins la cohésion autour d’une vision et d’un vrai projet d’entreprise. Il institue une dynamique interne grâce à des initiatives qui font leurs preuves : mise en place d’un marketing interne, séminaires thématiques, dialogue avec le personnel, sans oublier le volet formation tant sur place qu’à l’extérieur, notamment pour les cadres. Une révolution dans les relations hiérarchiques : le directeur général tient à cœur à s’associer, de près, à certains évènements touchant le personnel. Non seulement le Malgache est très sensible à ce genre d’attention, mais c’est aussi une implication qui permet à la direction de mieux s’imprégner des conditions de vie, parfois difficiles, de ce personnel, et de prendre autant que faire se peut des mesures lui apportant l’indispensable sérénité dans l’accomplissement de ses tâches.
Août 1989, un centre de loisirs s’étendant sur trois hectares, bien situé dans les environs immédiats de l’aéroport est inauguré. Avec sa grande salle, ses terrains de sport, sa piscine, c’est une plateforme idéale pour la décompression des travailleurs, et pour l’entretien de leur culture d’entreprise. La même année, un programme de crédit immobilier est mis sur pied à l’intention des agents totalisant plus de trois ans d’ancienneté. Pour pallier l’insuffisance de navigants, un recrutement d’élèves pilotes est lancé en interne. La formation est assurée conjointement par les instructeurs d’Air Madagascar, ceux de l’École nationale de l’aviation civile (Enac) de Toulouse, et ceux de l’École supérieure des métiers aéronautiques de Montpellier.

Ingérence de la politique
airmadUne autre innovation, apportée par René Rasata Rainiketamanga, est l’application du concept de yield management, partant de l’idée, somme toute logique, comme quoi il ne suffit pas de remplir un avion, encore faut-il que ce remplissage soit rentable. Cela suppose, entre autres lignes directrices, un effort particulier en direction de la clientèle à forte contribution. Partisan d’une Société nationale forte, il n’a jamais accepté certaines sournoiseries voulant faire d’Air Madagascar une simple compagnie d’éclatement inter-îles, laissant à d’autres, l’exploitation du réseau long-courrier. Force est de reconnaître que c’est ce à quoi certains « intérêts » veulent, aujourd’hui, parvenir, notamment au nom de l’Open Sky, et peut-être aussi du concept touristique d’Îles Vanille.
De 1991 à 2002, pas moins de cinq directeurs généraux, tous issus du sérail, et autant de présidents du Conseil dont des noms connus comme ceux d’Emmanuel Rakotovahiny, Zazah Ramandimbiarison, ou encore Heriniaina Razafimahefa, se succèdent à la barre. L’ingérence de la politique est de plus en plus pesante. Air Madagascar est encore là, mais l’oiseau au bon vol n’est plus qu’un point qui s’éloigne.
En octobre 2002, une solution allemande, synonyme de « Tabula rasa », est prise par les gouvernants. Malgré les mines d’autosatisfaction affichées lors de l’arrivée, l’année suivante, d’un Boeing 767-300 ER  négocié en leasing auprès d’US Gecas, la greffe ne prend pas, et fait long feu. Elle est malgré tout rééditée en 2015, avec un directeur général venu du froid, qui a à cœur de démontrer qu’il a plus l’art de ne pas perdre de l’argent que d’en gagner. Nous revient à la mémoire cette phrase de Nirina Andriamanerasoa : « Une Compagnie ne meurt pas de ce qu’elle fait, mais de ce qu’elle ne fait pas ».

Rétro pêle-mêle

retro cinemaCinéma malgache. Janvier 2003, quelques élèves malgaches de quatrième sont sélectionnés pour faire partie du jury du Festival de Cannes Junior, même si aucune production malgache ne figure dans la sélection, et pour cause. Cette année marque, malgré tout, le 66ème anniversaire d’un cinéma malgache de plus en plus muet, dont le tout premier film date de 1937. Moralisateur à souhait, il relate la vie de la martyre Rasalama, et porte la signature d’un certain Philippe Raberojo. À part quelques œuvres de Raymond Rajaonarivelo, aucun film en 35mm n’est plus sorti après le « Ilo tsy very » de Solo Randrasana, en 1987. La muselière socialiste est passée par là. Un film portant le titre de « Veloma » a bien paru cette même année, mais il n’avait de malgache que le titre, et les ascendances de son réalisateur. C’est aussi le cas de « Makibefo », une bouffonnerie inspirée du « Macbeth » de Shakespeare, qu’un excentrique bien british a fait jouer par des pêcheurs de Faux Cap !
FPVM. Séisme au sein de la toute puissante FJKM en ce début de l’année 2003 : le pasteur du temple d’Andravoahangy Fivavahana à qui la rumeur reproche quelques dérives pas très… protestantes, refuse une affectation à forte connotation disciplinaire, et claque la porte. Randrianantoandro, c’est son nom, ne va pas très loin et fonde, à quelques centaines de mètres de son ancienne paroisse, l’Église protestante nouvelle de Madagascar (FPVM). Sitôt née,  c’est déjà un géant en puissance avec, au départ, 15 000 fidèles et le soutien des 6 000 « Mpiandry » de la mouvance Manolotrony. a FPVM est la bête noire du président Marc Ravalomanana, également N°2 de la FJKM qui, ceci expliquant cela,  décide de la fermer sous des prétextes les plus futiles. Andry Rajoelina prend tout naturellement le contre-pied de cette décision, en réhabilitant l’Église dissidente lors d’un culte solennel tenu au stade de Mahamasina. De nombreuses missions indépendantes arborent, aujourd’hui, leur protestantisme, une mention étrangement absente du nom de la FJKM qui s’estime pourtant en être le détenteur officiel.
Stèle. La chose ressemblait plus à un « tranon-jiro » de la Jirama qu’à un monument historique. Œuvre  du premier vrai architecte malgache Ramanankirahina, né en 1860, et qui bénéficia d’une formation à l’Ecole des Beaux-arts de Paris, elle était « dédiée à la Mère Patrie de la part des malgaches reconnaissants », et a été oubliée en haut du jardin d’Ambohijatovo, une fois l’indépendance recouvrée. L’a-t-on abattue en une nuit pour raison de fissures, ou parce que les rumeurs parlaient avec insistance d’un trésor qui y serait enfoui   On doit au PDS Patrick Ramiaramanana d’avoir débarrassé la capitale de cet anachronisme, mais on le félicitera moins de n’avoir rien trouvé pour le remplacer qu’un petit carré de gazon. L’édile devait être un Vert convaincu, puisque même le périmètre de l’ancien Hôtel de Ville allait lui aussi être transformé en un jardin public plutôt quelconque. Quant à l’avenue, elle a toujours fait coexister deux plaques d’identification : celle d’Avenue de l’Indépendance qui est en quelque sorte sa version malgache, et celle d’Avenue de la Libération, solidement gravée dans les murs par le colonisateur se référant à sa propre histoire. Du pareil au même  ?

Textes : Tom Andriamanoro
Photos : L’Express de Madagascar

 


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